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Surveillance non intrusive du sommeil - Par : Georges Matar, Jean-Marc Lina, Julie Carrier, Georges Kaddoum,

Surveillance non intrusive du sommeil


Georges Matar
Georges Matar est étudiant au doctorat au département de génie électrique de l’ÉTS et chercheur au CÉAMS, Hôpital Sacré-Cœur de Montréal (HSCM).
Programme : Génie électrique 

Jean-Marc Lina
Jean-Marc Lina est professeur au Département de génie électrique de l’ÉTS. Ses recherches portent sur la neuro-imagerie, les ondelettes complexes, le signal biomédical, le traitement du signal et ses applications.
Programme : Génie électrique 

Julie Carrier
Julie Carrier est professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal.

Georges Kaddoum
Georges Kaddoum Profil de l'auteur(e)
Georges Kaddoum est professeur agrégé au Département de génie électrique et titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 2 à l’ÉTS. Il a reçu le Prix d’excellence en recherche de l’UQ et le Prix d’excellence en recherche ÉTS.
Programme : Génie électrique 

Femme endormie

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RÉSUMÉ:

La surveillance du sommeil non intrusive est un domaine de recherche prometteur qui consiste à évaluer la qualité du sommeil sans compromettre le confort du sujet, tout en nécessitant moins de ressources que le test de sommeil classique appelé polysomnographie (PSG). Toutefois, les difficultés liées à la surveillance non intrusive du sommeil, comme la dégradation du signal, rendent le procédé moins fiable et plus difficile à valider cliniquement. Notre étude présente une revue complète des méthodes et du matériel utilisés dans ce domaine qui, nous l’espérons, pourrait ouvrir la voie à de futures recherches sur la question : comment évaluer la qualité du sommeil de manière la moins intrusive tout en restant fiable? Mots-clés : actigraphie, mouvements du corps, surveillance du patient, polysomnographie, matelas à capteurs de pression, activité cardiaque, surveillance sans contrainte du sommeil, études non intrusives du sommeil, respiration.

Introduction

Près de la moitié des personnes de plus de 65 ans éprouvent des troubles du sommeil [1]. Ce nombre devrait augmenter jusqu’en 2050, entraînant une forte augmentation des ressources et du budget alloués aux soins [2]. En dépit de la prévalence élevée des troubles du sommeil, on rapporte une volonté relativement faible des sujets à recourir à des solutions cliniques. Pendant le test de sommeil classique, appelé polysomnographie (PSG), la personne doit dormir une ou plusieurs nuits dans une clinique avec une vingtaine de câbles et de capteurs placés sur le corps [3]. Pendant le test, le sujet est relié aux capteurs, comme illustré à la figure suivante :

Déroulement de la polysomnographie (PSG)

Figure 1 Protocole d’acquisition et déroulement général relatifs à la PSG

Après le test, les professionnels du sommeil analysent les résultats sur un hypnogramme, graphique montrant la séquence des différents stades du sommeil et fournissant des informations sur la qualité du sommeil et la présence de possibles dysfonctionnements. Normalement, l’architecture du sommeil est la répétition de stades typiques du sommeil, à savoir le sommeil lent ou NREM (acronyme pour non-rapid eye movement : NREM1, NREM2, NREM3), le sommeil paradoxal ou REM (rapid eye movement) et le réveil. Les chercheurs ont tenté de proposer des solutions de rechange à la PSG pour réduire les contraintes imposées lors des tests de sommeil et nécessitant moins de ressources. Dans cet article, nous proposons une revue de ces méthodes divisée en trois catégories : l’activité cardiaque, respiratoire et mouvements du corps.

Surveillance non intrusive du sommeil : schémas physiologiques, techniques de détection et traitement

Les mesures non intrusives du sommeil peuvent être divisées en plusieurs catégories en fonction des critères de catégorisation : 1) l’activité – physique, cardiaque, respiratoire, 2) les techniques – caméra, microphone, électrodes, 3) le protocole d’acquisition – ceinture, montre-bracelet, et 4) les paramètres – fréquence cardiaque ou respiratoire. Le diagramme à la figure 1 montre les trois catégories de méthodes de surveillance non intrusive du sommeil selon l’activité physiologique mesurée, et indique le mode d’acquisition et le matériel correspondants ainsi que les paramètres physiologiques obtenus. Dans les sections suivantes, nous discutons des techniques qui permettent de surveiller le sommeil de manière non intrusive, à partir de l’activité cardiaque, de la respiratoire et des mouvements du corps.

Liste des méthodes de surveillance non intrusive du sommeil

Figure 2 Méthodes de surveillance non intrusive du sommeil

Activité cardiaque

La variabilité de la fréquence cardiaque avec le temps est un biomarqueur puissant et éprouvé qui donne un aperçu des phases du sommeil. Par exemple, les méthodes proposées les plus populaires ont été classées comme étant du domaine temporel ou fréquenciel, géométriques et non linéaires, où le rapport de plusieurs plages de fréquence est quantifié et attribué à une phase de sommeil précise [4]. Dans chaque catégorie, les méthodes peuvent être paramétriques ou non, selon le cas où la prédiction est fondée sur un modèle ou sur les données elles-mêmes. Les techniques de détection sont principalement : 1) le couplage conductif avec contact direct électrode-peau et pouvant être intégré à des ceintures ou ganses de vêtements ou de sous-vêtements; 2) le couplage capacitif isolant la peau et les électrodes conductrices au moyen des vêtements, et où des électrodes sont souvent intégrées au matelas. Nous avons agencé et étudié différents emplacements d’électrodes sur le matelas, à savoir :

Emplacement des électrodes capacitives sur le matelas

Figure 3 Placement des électrodes capacitives sur le matelas pour scénarios d’acquisition non intrusives de signaux

Les mesures de référence et le placement des électrodes peuvent se faire à partir de différentes parties du corps en fonction de l’application et des contraintes ; et 3) autres techniques de détection comme la ballistocardiographie ou l’accéléromètre, ou en utilisant lumière comme la photopléthysmographie et l’actigraphie, respectivement.

Activité respiratoire

La respiration pendant le sommeil a fait l’objet de nombreuses études chez les sujets souffrant de troubles respiratoires du sommeil [5]. La figure suivante montre un signal d’effort respiratoire généré par un capteur de pression que nous avons réussi à obtenir à l’aide d’un filtre de Kalman à modèle multisinusoïdal :

Signaux provenant d’un matelas à capteurs de pression

Figure 4 Signal d’effort respiratoire d’un dormeur en position dorsale détecté par un matelas à capteurs de pression

De plus, l’activité respiratoire, définie par la profondeur et la fréquence des respirations, devient irrégulière pendant les épisodes de réveil et a tendance à être plus régulière pendant le NREM1, et régulière avec peu de perturbations pendant les NREM2 et 3. Pendant le REM, la respiration devient irrégulière avec alternance d’épisodes de respiration et de respiration retenue. Les technologies de détection sont la photopléthysmographie, la pléthysmographie d’inductance respiratoire, les ceintures respiratoires, les matelas à pression, les capteurs de débit d’air nasal et la surveillance par caméra.

Mouvements du corps

Les mouvements [6] et la posture [7,8] corporels ont été largement employés pour estimer les paramètres généraux et les phases du sommeil [9–11]. Il existe une étroite corrélation entre le comptage d’activités, en comptes par minute (CPM), et les paramètres généraux du sommeil comme la durée totale du sommeil ou TST (Total Sleep Time) [12]. D’autres applications cernent certains troubles précis du sommeil, comme les mouvements involontaires des membres ou PLM (Periodic Limb Movements). Les techniques de détection comprennent des caméras infrarouge et rouge-vert-bleu, des matelas à pression, de la ballistographie, de l’actigraphie, et d’autres.

Défis de l’application

L’application clinique de ces méthodes est limitée en raison de plusieurs facteurs, et tout particulièrement  le manque de validation. Plusieurs problèmes rendent la validation clinique difficile, à savoir les complications de l’expérimentation clinique et l’accès aux bases de données, la conformité des techniques proposées avec les normes et réglementations en vigueur, la dégradation du signal sous certaines conditions, entraînant mauvaise estimation des paramètres du sommeil, et autres facteurs [6].

Conclusion

Bien qu’étant à ses débuts, la surveillance non intrusive du sommeil est un domaine de recherche important qui nécessite des efforts multidisciplinaires combinés pour produire les résultats tangibles. Les futurs travaux de recherche doivent s’attaquer aux défis de l’application, en vue d’un usage clinique plus large, chez le patient lui-même, et cohérent pour rendre les études du sommeil confortables, fiables et nécessitant moins de ressources matérielles et humaines.

Information supplémentaire

Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez lire les articles suivants :

Matar, G., Lina, J. M., Carrier, J., & Kaddoum, G. “Unobtrusive sleep monitoring using cardiac, breathing and movements activities: an exhaustive review.” 2018 IEEE Access, 6, 45129–45152.

Georges Matar

Profil de l'auteur(e)

Georges Matar est étudiant au doctorat au département de génie électrique de l’ÉTS et chercheur au CÉAMS, Hôpital Sacré-Cœur de Montréal (HSCM).

Programme : Génie électrique 

Profil de l'auteur(e)

Jean-Marc Lina

Profil de l'auteur(e)

Jean-Marc Lina est professeur au Département de génie électrique de l’ÉTS. Ses recherches portent sur la neuro-imagerie, les ondelettes complexes, le signal biomédical, le traitement du signal et ses applications.

Programme : Génie électrique 

Laboratoires de recherche : LATIS – Laboratoire de traitement de l'information en santé 

Profil de l'auteur(e)

Julie Carrier

Profil de l'auteur(e)

Julie Carrier est professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal.

Profil de l'auteur(e)

Georges Kaddoum

Profil de l'auteur(e)

Georges Kaddoum est professeur agrégé au Département de génie électrique et titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 2 à l’ÉTS. Il a reçu le Prix d’excellence en recherche de l’UQ et le Prix d’excellence en recherche ÉTS.

Programme : Génie électrique 

Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada sur la création d’un nouveau cadre pour les prochaines générations de réseaux intégrant l’Internet des objets (IdO) 

Laboratoires de recherche : LACIME – Laboratoire de communications et d'intégration de la microélectronique 

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