14 Jan 2019 |
innovation d'ailleurs |
Les matériaux innovants et la fabrication avancée
Un matériau de construction inspiré des crevettes


L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.
Pour prévenir les dommages causés par les séismes et les vents très violents, les architectes ont recours aux systèmes parasismiques. Indispensables dans le cas des constructions élevées, ces techniques participent à renforcer les éléments structurels et les fondations. Nous parlons des vérins, des ressorts, des roulements à billes, etc., qui réduisent l’effet des forces destructrices sur les bâtiments en les rendant flexibles. Une nouvelle solution créée par des chercheurs en génie civil permettra d’augmenter la résistance des bâtisses en appliquant le principe de flexibilité aux éléments structurels.
Plusieurs créatures de la nature, qui inspirent les recherches scientifiques biomimétiques, ont des propriétés mécaniques leur permettant de lutter contre des forces extérieures semblables à celles subies par les bâtiments. Une équipe de l’Université Purdue a créé un matériau à base de ciment en mimant les exosquelettes des arthropodes. Ces derniers résistent aux forces externes en les propageant à travers leurs couches constitutives, ce qui augmente leur résilience.
Le matériau, réalisé à partir d’une technique d’impression 3D, participera à augmenter la résistance des constructions, en entrant dans la fabrication d’éléments structurels plus résistants aux contraintes mécaniques, tels que les poutres et les poteaux.
Un assemblage interne de Bouligand
L’équipe a imité la cuticule des arthropodes. Il s’agit de la paroi externe qui protège toute la surface du corps. Cette couche se caractérise par une structure particulière nommée structure en arceaux. Elle est appelée aussi structure de Bouligand parce que ses caractéristiques géométriques et morphogéniques ont été révélées par le biologiste et géomètre du même nom. Ce scientifique français a découvert que les assemblages moléculaires des carapaces et des parois de plusieurs organismes naturels sont structurés selon des principes géométriques bien déterminés, qui leur confèrent en outre la résistance mécanique observée. La géométrie de la structure en arceaux se présente sous forme de plans superposés. Chaque plan est constitué de fibrilles parallèles. Les couches sont disposées les unes sur les autres de telle sorte que les fibrilles soient orientées différemment. Cela permet d’obtenir une structure entrecroisée et résistante même à partir de matériaux fragiles. Le principe d’étagement des couches correspond notamment au processus morphogénique des exosquelettes et des carapaces étudiées par Bouligand.
Jusqu’à dernièrement, les ingénieurs faisaient face à plusieurs difficultés pour obtenir ce type de structure à base de ciment imprimé en 3D. Les chercheurs de l’Université Purdue sont donc les premiers à avoir relevé ce défi. En plus des structures en arceaux, ils ont créé des motifs inspirés de la carapace de la squille Stomatopoda et de la structure rhomboédrique du gâteau de cire. Comme le montre cette vidéo, l’impression en 3D du matériau évoque notamment le principe de croissance des structures naturelles qu’il copie. À partir du matériau, on peut notamment obtenir des formes alvéolées résistantes et flexibles.
Observations du comportement mécanique
L’équipe a utilisé la microtomographie aux rayons X (micro-CT) pour observer à l’échelle microscopique le comportement mécanique des structures imprimées. Cette technique de visualisation permet d’obtenir des images haute résolution à partir d’échantillons très petits, sans altérer leurs structures, comme l’explique cette vidéo.
Les images permettent de visualiser les caractéristiques du matériau qui pourrait le rendre plus résistant aux contraintes mécaniques. La vidéo suivante montre une architecture de Bouligand vue à partir d’un plan de coupe longitudinale XZ.
L’étude s’intitule « Additive Manufacturing and Performance of Architectured Cement‐Based Materials ». Elle a été publiée dans la revue Advanced Materials le 29 août 2018. Elle est coécrite par Mohamadreza Moini, Jan Olek, Jeffrey P. Youngblood, Bryan Magee et Pablo D. Zavattieri. La recherche a été aussi présentée lors de la première RILEM International Conference on Concrete and Digital Fabrication qui a eu lieu à Zurich le 9 septembre 2018.

Hanen Hattab
Hanen Hattab est doctorante en sémiologie à l’UQAM. Ses recherches portent sur les pratiques d’art et de design subversifs et contre culturels comme le vandalisme artistique, le sabotage et les détournements culturels.
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