04 Sep 2018 |
article de recherche |
L'aéronautique et l'aérospatiale
L’aile déformable : une technologie d’avenir pour l’aviation
Le texte qui suit est l’un des articles finalistes du concours de résumés du SARA 2017. Vous pouvez aussi consulter les autres textes soumis dans le cadre du concours du SARA.






L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.
En vue d’améliorer les performances de l’avion Cessna Citation X, différentes applications d’ailes déformables ont été mises à l’épreuve lors de simulations numériques de performance. Un empennage horizontal déformable a tout d’abord été imaginé; celui-ci a permis d’observer une réduction du débit de carburant de l’avion d’environ 50 livres par heures selon les conditions de vol. L’autre dispositif mis en place se situe au bout de l’aile : il s’agit d’une ailette capable de bouger durant le vol pour maximiser son efficacité. Ce dernier dispositif a permis de diminuer le débit de carburant d’en moyenne 10,8 livres par heure de vol.
Introduction
En 1500, Léonard de Vinci dessinait la première « machine volante ». Au cours des années 1800, George Cayley a découvert les forces fondamentales de portance et de traînée, et a compris ainsi que la « machine volante » se comporterait mieux avec une aile fixe et un empennage horizontal. Après de nombreuses recherches en aérodynamique, en 1891, le premier vol plané et contrôlé est expérimenté par Otto Lilienthal.
Un siècle plus tard, une véritable industrie aérospatiale est née visant à transporter de plus en plus de passagers autour de monde. Mais qu’en est-il de l’impact sur l’environnement? De nos jours, lors d’un vol transatlantique de 6 000 kilomètres, un avion rejette environ 0,81 tonne de dioxyde de carbone (CO2) [1]. Plus concrètement, en 8 heures de fonctionnement, un avion rejette autant de CO2 que le chauffage annuel d’un domicile montréalais. Comme près de 14 000 avions se partagent le ciel chaque jour, un verdissement de cette industrie devient alors nécessaire. Pour orchestrer ce programme écologique, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a pour objectif de réduire de moitié les émissions de CO2 enregistrées en 2005, d’ici 2050 [2]. Parmi les solutions envisageables, d’importantes recherches se tournent vers une optimisation aérodynamique des éléments de l’avion.7
Une solution prometteuse : l’aile déformable
De nombreuses études ont montré que la forme de l’aile avait des répercussions considérables sur les performances aérodynamiques d’un avion [3-6]. La géométrie d’une aile est optimale pour une condition de vol donnée c’est-à-dire pour une combinaison entre une masse, une vitesse et une altitude. Puisque ces paramètres sont amenés à changer en vol, la géométrie des ailes des avions est conventionnellement choisie selon la condition de vol à laquelle l’avion sera statistiquement le plus amené à être utilisé. Pour parvenir à optimiser la géométrie des ailes sur l’ensemble du domaine de vol, il est alors nécessaire que l’aile se déforme au cours du vol, c’est ce que l’on appelle le « morphing wing ». Cette technique a déjà montré des résultats très prometteurs [7-13], notamment au sein du Laboratoire de recherche en commande active, avionique et aéroservoélasticité (LARCASE), où en déformant l’épaisseur de l’aile d’un drone, l’équipe a obtenu une réduction de traînée allant jusqu’à 14 % [14]. De ces résultats encourageants, un nouveau projet a vu le jour et a pour but de simuler le comportement d’un avion plus commun lorsqu’il est équipé de la technologie de l’aile déformable.
Figure 1 Avion d’affaire Cessna Citation X
Pour concrétiser ce projet, l’avion d’affaires Cessna Citation X a été choisi, notamment car le LARCASE dispose de données fiables provenant d’un simulateur de vol hautement certifié de cet avion [15]. De manière à rendre le projet complet, deux types d’ailes déformables sont étudiés. Le premier vise à optimiser l’empennage horizontal, le second se concentre sur l’aile principale.
Figure 2 Simulateur de vol du Cessna Citation X situé au LARCASE (Local A3420 de l’ÉTS)Méthodologie et Résultats
Comme George Cayley l’avait compris en 1800, l’empennage horizontal est un élément primordial dans la stabilité d’un avion. De nos jours, puisque les avions possèdent environ 200 tonnes de carburant, l’empennage a pour rôle de maintenir l’équilibre d’un avion au fur et à mesure que le carburant se consomme durant le vol. Pour cela, la surface de l’empennage tourne autour d’un axe de manière à générer autant de portance que nécessaire pour compenser le poids perdu. Par ce mouvement, l’empennage se voit aussi délivrer plus de traînée néfaste à l’avion. Pour optimiser la traînée involontairement générée, l’aile déformable imaginée ici consiste à déformer l’épaisseur de l’empennage durant le vol afin que la portance engendrée par cette déformation soit suffisante, et que l’empennage n’ait pas besoin de s’incliner pour générer davantage de portance.
Figure 3 Empennage d’un avionPour expérimenter cette idée, l’épaisseur de l’empennage a tout d’abord été paramétrée selon 15 paramètres issus des théories de Bézier-Parsec [16-17]. Ces 15 paramètres ont ensuite été couplés à un algorithme génétique, qui, pour chaque condition de vol, a pu trouver une combinaison de paramètres admettant un avion équilibré ainsi qu’un empennage horizontal fixe. Enfin, les premières simulations du Cessna Citation X équipé d’un empennage horizontal déformable ont montré que la consommation de carburant pouvait être diminuée en moyenne de 50 livres par heure selon les conditions de vol.
Figure 4 Ailette marginaleDes ailettes marginales déformables
Pour améliorer l’aérodynamisme des ailes d’un avion, il existe aussi des ailettes marginales, plus communément appelées « winglets ». Ces ailettes sont des sections verticales fixes rajoutées au bout des ailes permettant de limiter le phénomène de traînée [18]. Conventionnellement, ces géométries sont définies pour avoir une performance idéale pour la condition de vol à laquelle l’avion est le plus exposé. Afin d’optimiser la forme de l’ailette pour la totalité d’un vol, une ailette déformable a été modélisée. Pour cela, une première étude a démontré que l’angle de dièdre et l’angle de flèche avaient le plus d’influence sur l’aérodynamique de l’aile.
Figure 5 Degrés de liberté de l’ailette marginale adaptativeEnsuite, l’aile du Cessna Citation X a été paramétrée avec une ailette capable de se déformer selon les deux angles d’influence (figure 5). Enfin pour chaque condition de vol, une position d’ailette a été recherchée de manière à ce que l’aile équipée de l’ailette déformable génère autant de portance que l’aile originale, tout en minimisant la traînée. Selon les simulations de performances, grâce à ce dispositif, la consommation de carburant de l’avion peut être, en moyenne, réduite de 10.8 lb par heure de vol.
Figure 6 Déformation géométrique en volConclusion
Lorsque les différentes études sur l’empennage horizontal et l’ailette auront été réalisées, les changements géométriques et aérodynamiques du Cessna Citation X seront inclus dans un modèle de performance global de l’avion, capable de simuler des vols complets, du décollage à l’atterrissage. Les performances simulées pour un Cessna équipé ou non d’un système d’aile déformable permettront de quantifier à quel point un tel système accroît les performances de l’avion en matière de consommation, de vitesse optimale, et de distance franchissable. L’étude apportera alors une contribution à l’industrie aérospatiale d’un point de vue économique et écologique étant donné qu’elle permet d’améliorer les performances d’un avion tout en réduisant ses émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Information supplémentaire
Pour plus d’information sur cette recherche, consulter les articles de conférences suivants :
- Segui, M. Mantilla, G. Ghazi, et R. Botez. « New Economical Cruise Methodology for the Cessna Citation X Business Jet by an Original Morphing Horizontal Tail Application», 2018 Modeling and Simulation Technologies Conference, AIAA AVIATION Forum, (AIAA 2018-3895).
- Segui, S. Bezin and R. Botez. « Cessna Citation X Performances Improvement by an Adaptive Winglet during the Cruise Flight», 2018 World Academy of Science, Engineering and Technology, Vol:12, No:4, p. 419-426.+

Marine Segui
Marine Segui est étudiante à la maîtrise et assistante de recherche au Département de génie de la production automatisée de l’ÉTS. Elle travaille à l’analyse des performances du jet Cessna Citation X, équipé d’un système d’aile déformable.
Programme : Génie de la production automatisée Génie aérospatial
Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada en technologies de modélisation et simulation des aéronefs
Laboratoires de recherche : LARCASE – Laboratoire de recherche en commande active, avionique et aéroservoélasticité

Georges Ghazi
Georges Ghazi est professeur au Département de génie des systèmes de l’ÉTS. Il axe sa recherche sur la modélisation, l’analyse des performances et l’application de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’avionique.
Programme : Génie de la production automatisée Génie aérospatial
Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada en technologies de modélisation et simulation des aéronefs
Laboratoires de recherche : LARCASE – Laboratoire de recherche en commande active, avionique et aéroservoélasticité

Matthieu Mantilla
Matthieu Mantilla est étudiant à l’École d’ingénieurs EPF Paris et stagiaire au LARCASE.
Programme : Génie aérospatial
Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada en technologies de modélisation et simulation des aéronefs
Laboratoires de recherche : LARCASE – Laboratoire de recherche en commande active, avionique et aéroservoélasticité

Simon Bezin
Simon Bezin est étudiant en aéronautique à l’École d’ingénieurs EPF Paris et stagiaire au LARCASE.
Programme : Génie aérospatial
Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada en technologies de modélisation et simulation des aéronefs
Laboratoires de recherche : LARCASE – Laboratoire de recherche en commande active, avionique et aéroservoélasticité

Ruxandra Botez
Ruxandra Mihaela Botez est professeure titulaire au Département de génie des systèmes à l’ÉTS. Elle est spécialiste dans les technologies de modélisation, simulation et contrôle des aéronefs, et de leur validation expérimentale
Programme : Génie de la production automatisée Génie aérospatial
Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada en technologies de modélisation et simulation des aéronefs
Laboratoires de recherche : LARCASE – Laboratoire de recherche en commande active, avionique et aéroservoélasticité CIRODD- Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable
Chaire de recherche :
Laboratoires de recherche :


j’aime merci pour le billet
sympa le blog j’aime le post, bien ecrit et interessant