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Précipitations extrêmes : que nous réserve le climat de demain? - Par : Jean-Luc Martel, Alain Mailhot, François Brissette, Daniel Caya,

Précipitations extrêmes : que nous réserve le climat de demain?


Jean-Luc Martel
Jean-Luc Martel Profil de l'auteur(e)
Jean-Luc Martel est professeur au Département de génie de la construction de l’ÉTS. Sa recherche se concentre sur l’hydraulique urbaine, les infrastructures vertes et les impacts des changements climatiques.

Alain Mailhot
Alain Mailhot est professeur en hydrologie urbaine au Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de recherche scientifique et un expert mondialement reconnu sur les précipitations extrêmes liées à l’évolution du climat.

François Brissette
François Brissette Profil de l'auteur(e)
François Brissette est professeur au Département de génie de la construction de l’ÉTS. Ses travaux principaux portent sur les impacts des changements climatiques sur les ressources hydriques.

Daniel Caya
Maintenant à la retraite, Daniel Caya a été chercheur scientifique senior au Consortium Ouranos sur les changements climatiques et la climatologie régionale et professeur associé à l’ÉTS.

Précipitations extrêmes

L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.

RÉSUMÉ:

Plusieurs études scientifiques indiquent que le réchauffement planétaire causé par l’influence humaine engendrera également une augmentation de l’intensité des événements extrêmes de précipitation. Toutefois, la grande variabilité de ces derniers rend difficile la détection d’augmentations significatives à court et moyen termes. En effet, il est probable de devoir attendre jusqu’au milieu du 21e siècle avant de pouvoir détecter une vraie tendance à la hausse pour certaines régions du Québec. Toutefois, l’absence apparente d’une telle tendance ne devrait pas empêcher la mise en place de mesures d’adaptation contre les changements climatiques.

Il y a un consensus parmi les études scientifiques indiquant que le réchauffement planétaire est causé par l’action humaine, par l’intermédiaire des émissions de gaz à effet de serre[1]. De plus, plusieurs études suggèrent qu’une atmosphère plus chaude emmagasinerait une plus grande quantité d’humidité, causant une augmentation de l’intensité des événements extrêmes de précipitation[2,3]. Ces événements étant pris en compte pour établir les critères de conception de plusieurs infrastructures, leur augmentation aurait des répercussions importantes.

La détection d’une augmentation à long terme (ou d’une tendance à la hausse) attribuable aux changements climatiques anthropiques (c.-à-d. d’origine humaine) des séries de précipitations extrêmes peut se révéler une étape essentielle afin que nos infrastructures soient adaptées en conséquence. Toutefois, la nature chaotique du climat entraîne une variabilité naturelle qui pourrait masquer toute tendance[4,5]. Ainsi, l’objectif principal de cette étude était d’évaluer comment la variabilité naturelle du climat affecte la capacité de détection des tendances causées par les changements climatiques anthropiques dans les séries de précipitations extrêmes.

Pour y arriver, des modèles climatiques ont été utilisés pour simuler les différents processus physiques générant le climat à l’aide d’un maillage couvrant entièrement la planète[6] (figure 1). Des projections d’émissions de gaz à effet de serre y ont aussi été incorporées, permettant d’évaluer les tendances futures[7]. De plus, plusieurs simulations ont été lancées en utilisant exactement les mêmes paramètres, à l’exception d’une micro-perturbation atmosphérique, similaire aux battements d’ailes d’un papillon. En raison de la nature chaotique du climat, les simulations ont divergé après seulement quelques semaines, présentant différentes versions équiprobables d’un climat futur[8]. Cette approche permet de mieux quantifier la contribution de la variabilité naturelle du climat par rapport aux changements climatiques anthropiques.

Modèle climatique

Figure 1 Représentation schématique d’un modèle climatique.
Tirée de NOAA

 

Un ensemble de 50 simulations couvrant la période de 1950 à 2100 est présenté à la figure 2, illustrant comment la variabilité naturelle peut masquer la tendance des changements climatiques. La tendance observée des températures à augmenter est plus forte (courbe bleue) que la variabilité naturelle, qui est relativement faible (enveloppe des courbes grises), ce qui facilite la détection d’une tendance, même en date d’aujourd’hui. Toutefois, malgré le fait qu’une tendance soit visible d’ici la fin du 21e siècle pour les précipitations extrêmes, cette dernière est moins marquée et la variabilité est plus importante, rendant difficile la détection d’une tendance à court terme. Il est aussi attendu que cette même variabilité naturelle soit plus importante à l’échelle locale (p. ex. la ville de Montréal) comparativement à l’échelle régionale (p. ex. le sud du Québec).

Simulations des températures et des précipitations

Ensemble de 50 simulations climatiques pour la maille correspondant à ville de Montréal

Dans cette étude, un critère a été élaboré afin de déterminer la décennie (p. ex. 2041-2050) quand il devient très probable qu’une tendance causée par les changements climatiques soit détectée. La période de 1950-2000 est d’abord analysée pour chacune des simulations à l’aide d’un test statistique pour déterminer si une tendance est détectée dans les séries de maxima annuels de précipitations journalières[9] (p. ex. courbes grises de la figure 2). Le pourcentage de simulations ayant une tendance significative du même signe (à la hausse ou à la baisse) est ensuite évalué. Lorsque ce pourcentage atteint 90 %, il devient très probable qu’une tendance sera détectée durant cette décennie.

Ensuite, pour comparer l’impact aux échelles locale et régionale, une variante régionale de la méthodologie, utilisant neuf mailles plutôt qu’une seule, a été utilisée[10]. L’analyse régionale permet de rehausser le seuil de détection d’une tendance régionale statistiquement significative, et ce à partir de plusieurs séries locales n’ayant individuellement aucune tendance statistiquement significative. Par exemple, des séries provenant de 9 stations météorologiques pourraient toutes présenter des tendances à la hausse, mais statistiquement non significatives. Individuellement, aucune conclusion ne peut être tirée à partir de chacune de ces stations. Cependant, la probabilité que ces 9 stations aient toutes une tendance à la hausse est tellement faible qu’elle permet de conclure à la présence d’une tendance statistiquement significative à l’échelle régionale.

Les résultats obtenus (figure 3) indiquent qu’il est probable que la détection d’une tendance à l’échelle régionale soit retardée jusqu’au milieu du 21e siècle à cause de la variabilité naturelle pour de nombreuses régions du monde, et notamment au Québec. Dans le cas de la détection à l’échelle locale, l’influence de la variabilité naturelle est encore plus importante, pouvant retarder une détection potentielle jusqu’à la fin du siècle. Ainsi, dans la mesure du possible, il est recommandé de réaliser des analyses régionales, et non locales, pour minimiser l’effet de la variabilité naturelle sur la détection d’une tendance causée par les changements climatiques.

Temps de détection d’une tendance à la hausse

Figure 3 Résultats à l’échelle locale et régionale. Les points noirs représentent les mailles pour lesquelles la décennie de détection a été atteinte

 

Finalement, il est probable que l’analyse d’une ou de plusieurs stations météorologiques ne présente pas de tendance statistiquement significative. Toutefois, l’absence apparente de tendance ne devrait pas empêcher la mise en place de mesures d’adaptation face aux changements climatiques anthropiques, car un manque d’action pourrait avoir des répercussions importantes à moyen et long terme.

Information supplémentaire

Pour plus d’information sur cette recherche, consulter l’article suivant :

Martel, J. L., Mailhot, A., Brissette, F., & Caya, D. (2018). Role of natural climate variability in the detection of anthropogenic climate change signal for mean and extreme precipitation at local and regional scalesJournal of Climate31(11), 4241-4263.

Jean-Luc Martel

Profil de l'auteur(e)

Jean-Luc Martel est professeur au Département de génie de la construction de l’ÉTS. Sa recherche se concentre sur l’hydraulique urbaine, les infrastructures vertes et les impacts des changements climatiques.

Programme : Génie de l'environnement 

Profil de l'auteur(e)

Alain Mailhot

Profil de l'auteur(e)

Alain Mailhot est professeur en hydrologie urbaine au Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de recherche scientifique et un expert mondialement reconnu sur les précipitations extrêmes liées à l’évolution du climat.

Profil de l'auteur(e)

François Brissette

Profil de l'auteur(e)

François Brissette est professeur au Département de génie de la construction de l’ÉTS. Ses travaux principaux portent sur les impacts des changements climatiques sur les ressources hydriques.

Programme : Génie de l'environnement 

Laboratoires de recherche : HC3-Laboratoire d’hydrologie, climat et changement climatique 

Profil de l'auteur(e)

Daniel Caya

Profil de l'auteur(e)

Maintenant à la retraite, Daniel Caya a été chercheur scientifique senior au Consortium Ouranos sur les changements climatiques et la climatologie régionale et professeur associé à l’ÉTS.

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