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Des hydrogels de chitosane pour régénérer les disques intervertébraux - Par : Atma Adoungotchodo, Yasaman Alinejad, Michael Grant, Laura M Epure, John Antoniou, Fackson Mwale, Sophie Lerouge,

Des hydrogels de chitosane pour régénérer les disques intervertébraux


Atma Adoungotchodo
Atma Adoungotchodo Profil de l'auteur(e)
Atma Adoungotchodo est doctorante au Département de génie mécanique de l’ÉTS. Son projet de recherche porte sur la mise au point d’hydrogels de chitosane injectables pour la régénérescence du disque intervertébral.

Yasaman Alinejad
Yasaman Alinejad Profil de l'auteur(e)
Yasaman Alinejad est stagiaire postdoctorale au Département de génie mécanique de l’ÉTS. Son projet de recherche porte sur la régénérescence du disque intervertébral et la micro-encapsulation des cellules.
Programme : Génie mécanique 

Michael Grant
Michael P Grant est assistant de recherche au Lady Davis Institute for Medical Research, Hôpital général juif de Montréal, Université McGill.

Laura M Epure
Laura Epure est ingénieure biomédicale au Jewish General Hospital - Lady Davis Institute.

John Antoniou
John Antoniou est chirurgien orthopédiste à l’Hôpital général juif de Montréal, professeur agrégé et directeur de recherche à la division de chirurgie orthopédique du département de chirurgie, Université McGill.

Fackson Mwale
Fackson Mwale est professeur à l’Université McGill dans le Département de chirurgie et directeur du programme de chirurgie expérimentale aux cycles supérieurs.

Sophie Lerouge
Sophie Lerouge est professeure au Département de génie mécanique de l’ÉTS et directrice du Laboratoire de biomatériaux endovasculaires au CRCHUM.

L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.

RÉSUMÉ:

La thérapie cellulaire utilisant des cellules encapsulées dans des matrices injectables est une technique prometteuse pour le traitement minimalement invasif de la dégénérescence du disque intervertébral, qui représente l’une des causes majeures des maux de dos dont souffre 19 % de la population mondiale. Toutefois, cette approche thérapeutique est limitée par les propriétés mécaniques généralement faibles des matrices injectables. L’étude actuelle démontre le potentiel de nouvelles formulations d’hydrogels de chitosane thermosensibles ayant d’intéressantes propriétés mécaniques pour la régénération du disque intervertébral, notamment sa partie centrale appelée le noyau pulpeux (NP).

Introduction

La dégénérescence du disque intervertébral (DIV) est l’une des causes importantes des maux dans le bas du dos [1] dont souffre 19 % de la population mondiale [2]. Les techniques actuelles de prise en charge de ce dysfonctionnement sont non seulement très invasives, mais aussi inefficaces pour la restauration complète des fonctions biomécaniques du DIV. L’élaboration de nouvelles techniques minimalement invasives, axées sur la réparation ou la restauration du DIV, devient donc pertinente. L’une des techniques prometteuses pour cette application est la thérapie cellulaire. Cette technique consiste à injecter des cellules et des molécules particulières, éventuellement encapsulées dans des matrices biocompatibles, dans l’objectif de régénérer le disque, notamment sa partie centrale : le noyau pulpeux (NP). Toutefois, cette application est limitée par les propriétés mécaniques généralement très faibles des matrices injectables étudiées jusqu’à présent [3, 4].

Notre équipe a récemment mis au point des hydrogels de chitosane« macromolécule présente sur la carapace des crustacés et des mollusques ainsi sur certains champignons » réf. Le journal des femmes. https://sante-medecine.journaldesfemmes.fr/faq/17651-chitosane-chitosan-definition injectables ayant de meilleures propriétés mécaniques et une meilleurecytocompatibilitéLa cytocompatibilité est la capacité d’un matériau ou d’un environnement à tolérer la présence de cellules sans affecter leur survie ni leur fonction [5]. Ces formulations, liquides à température pièce, mais se gélifiant à 37 °C, pourraient être optimisées pour la régénérescence du DIV. L’objectif formel de ce travail est d’étudier ces formulations et de déterminer celles présentant un potentiel pour le support mécanique du NP humain, tout en permettant la survie des cellules NP encapsulées et la synthèse d’un tissu de composition similaire à celui du NP natif.

Matériel et méthodes

Les hydrogels ont été préparés en mélangeant une solution acide de chitosane et des solutions d’agents gélifiantsSolution servant à induire la gélification constituées de sodium hydrogénocarbonate (SHC), de tampon phosphate (PB) et/ou de β-glycérophosphate (BGP). La composition des quatre formulations testées est présentée dans le tableau 1.

Tableau 1 Composition des formulations d’hydrogel de chitosane et leur osmolalité

Formulation des hydrogels testés

Des tests rhéologiques avec un rhéomètre rotationnel (Anton Paar) à la température pièce (22 °C) et à la température du corps (37 °C) ont été effectués afin de tester respectivement la stabilité des formulations à 22 °C et le profil de gélification à 37 °C. Les tests mécaniques en compression non confinée sur des hydrogels incubés pendant 24 h à 37 °C ont été effectués afin de déterminer le module de Young sécantParamètre mécanique permettant de caractériser la rigidité d’un matériau de chaque échantillon. Ces propriétés mécaniques ont été comparées à celles du NP humain en compression non confinée grâce à un test de relaxation de contrainte incrémentale [6].

L’osmolarité« Concentration osmotiquement active d'une solution, exprimée en molécule-gramme par litre » Ref. Termium. http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=OSMOLARITE&index=alt&codom2nd_wet=1#resultrecs de ces hydrogels a également été mesurée. Ensuite, des cellules de NP bovines ont été encapsulées dans ces hydrogels et cultivées pendant quatorze jours à 37 °C. Des tests de viabilité par AlamarBlue® et LIVE/DEAD® ont été faits afin d’évaluer respectivement l’activité métabolique des cellules encapsulées et leur taux de viabilité. L’activité de synthèse  de ces cellules a également été évaluée en mesurant la quantité de glycosaminoglycanesMacromolécule hydrophile responsable du taux élevé d’hydratation du disque sain et donc de ses propriétés intéressantes en compression (GAG) produite par le test du 1-dymethylmethylène (DMMB). L’injectabilité de ces hydrogels a été testée dans des disques humains explantés grâce à des aiguilles de jauge 25.

Étapes de préparation des hydrogels

Figure 1 Méthode de préparation des hydrogels.

 

Résultats

Toutes les formulations d’hydrogels, sauf la formulation classique (1), présentent un module de stockage G’« Mesure de l'énergie de déformation emmagasinée par l'échantillon pendant le processus de cisaillement. » Réf. World of Rheology. http://www.world-of-rheology.com/fr/glossaire/entries/definition/storage_modulus_g/ faible et stable à 22 °C. Ce module évolue rapidement à 37 °C, confirmant la thermosensibilité« en physique, qualité des produits dont les propriétés varient en fonction de la chaleur » Réf. Universalis.fr de ces matériaux. Les nouvelles formulations d’hydrogel présentent des propriétés mécaniques en compression plus élevées que la formulation classique (figure 2 A, B, C). Les tests en relaxation de contrainte montrent que deux de ces nouvelles formulations (2 et 3) présentent des propriétés mécaniques similaires aux propriétés du NP humain (figure 2 D).

Propriétés mécaniques des hydrogels

Figure 2 Les propriétés mécaniques des nouvelles formulations d’hydrogel (2, 3,4) en compression non confinée sont beaucoup plus élevées que la formulation classique (1). A) Courbe contrainte déformation, B) et C) Module sécant à 15 et 50 % D) Propriétés mécaniques des formulations d’hydrogels comparées à celles du noyau pulpeux humain en relaxation de contrainte

 

 

En ce qui concerne les résultats de biocompatibilité, la formulation classique (la 1) est hypertonique avec une osmolalité > 800 mosmol/kg tandis que toutes les autres formulations présentent des valeurs d’osmolalité proches des valeurs physiologiques de l’intérieur du disque (430 mOsmol/kg)[7]. Un taux de viabilité d’environ 85 % des cellules encapsulées a été observé, les plus hautes activités métaboliques étant après 14 jours de culture pour les formulations 2 et 3 (Figure 3). Par contre, c’est la formulation 2 qui présente la production la plus élevée de glycosaminoglycanes (GAG) (figure 4).

Propriétés biologiques des hydrogels

Figure 3 Les nouvelles formulations présentent une meilleure biocompatibilité après 14 jours en culture A) Viabilité cellulaire évaluée par LIVE/DEAD (rouge=cellule morte, vert= cellule vivante) B) Activité métabolique des cellules par AlamarBlue, C) Quantité d’ADN présente après 14jours

 

Tableau 2 Production de GAG selon la formulation

Production de glycosaminoglycanes GAG

Pour finir, les tests d’injectabilité dans des disques humains explantés montrent une bonne rétention de la formulation 3. Non seulement la viscosité initiale de ce gel permet l’injection par une aiguille de petit diamètre en plus de combler les défauts présents dans le disque, mais aussi une gélification assez rapide pour éviter les fuites hors du site d’injection (figure 4).

Injection d’hydrogel dans un noyau pulpeux humain

Figure 4 (A) Injection de l’hydrogel (colorée au bleu de toluidine) dans le NP d’un disque humain à travers l’anneau fibreux avec une aiguille de jauge 25. L’échantillon est gardé à 37 °C pour 30 minutes. (B) 0,5 ml d’hydrogel injecté dans le disque 1. (C) 0,3 dans le disque 2

 

Conclusion

Cette étude permet de conclure que la formulation 2 est une matrice injectable prometteuse pour la réparation des disques intervertébraux parce qu’elle présente des propriétés mécaniques similaires au NP humain et un environnement adéquat pour la survie des cellules ainsi que la synthèse et la rétention de glycosaminoglycanes, un des composants importants du tissu NP. La suite du projet se concentrera sur l’étude des bénéfices de l’ajout d’une molécule bioactive sur l’activité de synthèse des cellules et donc la capacité régénérative de la technologie. À terme, ce projet permettra de mettre au point des hydrogels injectables combinant cellules et agents bioactifs pour la médecine régénératrice notamment pour la régénérescence des disques intervertébraux.

Information supplémentaire

Pour plus de détails sur cette recherche, consulter l’article suivant :

Alinejad, Yasaman, Atma Adoungotchodo, Michael P Grant, Laura M Epure, John Antoniou, Fackson Mwale et Sophie Lerouge. 2018. « Injectable Chitosan Hydrogels with Enhanced Mechanical Properties for Nucleus Pulposus Regeneration ». Tissue Engineering Part A. doi: 10.1089/ten.tea.2018.0170

 

Atma Adoungotchodo

Profil de l'auteur(e)

Atma Adoungotchodo est doctorante au Département de génie mécanique de l’ÉTS. Son projet de recherche porte sur la mise au point d’hydrogels de chitosane injectables pour la régénérescence du disque intervertébral.

Programme : Génie technologies de la santé  Génie mécanique 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

Profil de l'auteur(e)

Yasaman Alinejad

Profil de l'auteur(e)

Yasaman Alinejad est stagiaire postdoctorale au Département de génie mécanique de l’ÉTS. Son projet de recherche porte sur la régénérescence du disque intervertébral et la micro-encapsulation des cellules.

Programme : Génie mécanique 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

Profil de l'auteur(e)

Michael Grant

Profil de l'auteur(e)

Michael P Grant est assistant de recherche au Lady Davis Institute for Medical Research, Hôpital général juif de Montréal, Université McGill.

Profil de l'auteur(e)

Laura M Epure

Profil de l'auteur(e)

Laura Epure est ingénieure biomédicale au Jewish General Hospital - Lady Davis Institute.

Profil de l'auteur(e)

John Antoniou

Profil de l'auteur(e)

John Antoniou est chirurgien orthopédiste à l’Hôpital général juif de Montréal, professeur agrégé et directeur de recherche à la division de chirurgie orthopédique du département de chirurgie, Université McGill.

Profil de l'auteur(e)

Fackson Mwale

Profil de l'auteur(e)

Fackson Mwale est professeur à l’Université McGill dans le Département de chirurgie et directeur du programme de chirurgie expérimentale aux cycles supérieurs.

Profil de l'auteur(e)

Sophie Lerouge

Profil de l'auteur(e)

Sophie Lerouge est professeure au Département de génie mécanique de l’ÉTS et directrice du Laboratoire de biomatériaux endovasculaires au CRCHUM.

Programme : Génie mécanique  Génie technologies de la santé 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

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commentaires
  1. JeanPierre LaBonté dit :

    Très intéressant.

  2. Manuel Fernando Da Costa Azevedo dit :

    Bonjour, je trouve que c’est très intéressant surtout dans mon cas. Moi j’ai une discopathie dégénérative très évolué entre L4 et L5 serait possible de injecter ses hydrogels.

  3. Angenard dit :

    Bonjour, suite à un écrasement d’un disque l5s1 opéré d’une hernie discale en 1998,quand pourra t’ont bénéficier de cette avancée médicale régénératrice ?

  4. Cavato dit :

    Quand les patients pourront ils espérer bénéficier de ce type de traitement ? 5 10 20 ans ??? Jamais ?
    Merci de compléter votre article avec cette information

    • Chantal Desjardins dit :

      Il faudrait qu’une entreprise pharmaceutique s’y intéresse et investisse dans cette recherche pour l’amener aux essais cliniques. Il est donc difficile de dire quand ce type de traitement pourrait voir le jour.

  5. Manon dit :

    Voici quelques années que vous avez exposé vos résultats, est-ce qu’une entreprise s’est montré intéressée à faire des essais cliniques ?

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