03 Nov 2015 |
innovation d'ailleurs |
L'aéronautique et l'aérospatiale
Feux de forêt : quelles technologies pour combattre les feux de l’avenir?


Les feux de forêt représentent une force de la nature pouvant grandement améliorer les écosystèmes en favorisant le renouvellement et la préservation d’habitats sains. Les organismes s’adaptent aux cycles des feux naturels de portée limitée et certaines espèces prospèrent sur les sols brûlés. Ainsi, les feux de forêt permettent à davantage d’espèces de coexister dans le même environnement et d’accroître la diversité. Cela inclut les feux qui sont volontairement déclenchés par intervention humaine et dont l’objectif est de protéger les forêts contre des catastrophes potentiellement incontrôlables, en ayant recours à des feux contrôlés de petite taille.

Figure 1. Sol brûlé après un feu de forêt contrôlé.
Mais d’un autre côté, lorsque l’imprudence humaine est à blâmer pour des incendies, non seulement la faune de la région est menacée, mais des communautés entières sont à risque. La chaleur intense et le feu, les cendres et la fumée affectent tout sur leur passage.

Figure 2. Panneau d’avis des zones à risque de feux de forêt élevé au Canada.
Selon Ressources naturelles Canada [1], au cours des 25 dernières années, les feux de forêt au Canada ont consumé en moyenne 2,3 millions d’hectares par an lors d’environ 8 300 incidents. Le Canada abrite environ 10 % des forêts du monde. Combiné à l’augmentation constante de la température moyenne au cours des étés [2], l’équilibre fragile des écosystèmes naturels affectés par les feux de forêt est de plus en plus perturbé.
Prédiction statistique des zones à risque
![This image shows the areas at risk of wildfires according to the weather prediction made by environment Canada for June 29th, 2015 [3]. This day registered some of the highest temperatures in many years for western Canada.](https://substance.etsmtl.ca/wp-content/uploads/2015/10/Fire-danger-June-29th-2015.jpg)
Figure 3. Cette image montre les zones à risque de feux de forêt selon les prévisions météorologiques d’Environnement Canada pour le 29 juin 2015 [3]. Ce jour-là, les températures pour l’Ouest du Canada étaient parmi les plus élevées jamais enregistrées.
Que faire en cas d’imprévu?
Malheureusement, éviter le danger présenté par des feux de forêt est, malgré tous les progrès technologiques à disposition, littéralement impossible. Un orage peut, par exemple, être suffisant pour déclencher un feu de forêt de grande taille. Un morceau de charbon de bois allumé, emporté d’un barbecue par le vent, un mégot de cigarette ou la curiosité d’un enfant envers les allumettes sont, par exemple, des causes imprévisibles mais plausibles pour causer un feu de forêt ou de friches.
Contrôler ces monstres affamés peut s’avérer être une tâche dangereuse et difficile; les pompiers et leurs camions à incendie ne sont plus suffisants pour y faire face. Les hydravions à coque, les avions bombardiers d’eau et les avions-citernes sont en réalité l’un des outils les plus efficaces qui soient pour éteindre et contrôler l’expansion des feux de forêt. Les premiers hydravions à coque n’étaient pas conçus pour la lutte contre les incendies. Leur structure volumineuse était principalement utilisée pour le transport de passagers, avec un corps creux et étroit en forme de bateau, leur permettant de flotter sur l’eau. Un hydravion n’a pas besoin de train d’atterrissage dans le sens moderne du terme pour fonctionner, du moment qu’il a accès à des étendues d’eau suffisamment longues pour atterrir et décoller, d’où son nom.

Figure 4. Le célèbre Martin PBM Mariner était un hydravion de patrouille maritime pendant la Seconde Guerre mondiale et le début de la guerre froide. Plus de 1 300 appareils ont été fabriqués entrée 1937 et 1949.
Ces avions étaient très populaires après la Première Guerre mondiale et ont établi les fondements pour les avions de ligne modernes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, leur utilisation était essentiellement limitée à l’évacuation des civils, aux missions de sauvetage et au transport de troupes. Après la fin de la guerre, leur application commerciale a rapidement été dépassée par celle de leurs homologues terrestres qui sont alors devenus très populaires. Plusieurs pistes d’atterrissage ont été construites pour les opérations militaires et, après la fin de la guerre, elles ont évolué pour devenir les aéroports d’aujourd’hui. L’eau souffre plus des conditions climatiques que l’asphalte. La transition des hydravions aux « avions normaux » était une étape logique du progrès. De nos jours, les hydravions à coque sont réservés à des applications ciblées, principalement la lutte contre les incendies et l’accès à des îles ou à des endroits dépourvus de routes.
Figure 5. Bombardier 415 effectuant un largage d’eau sur un feu en 2006.
Dans le domaine de la lutte contre les incendies, le Bombardier 415 est le plus célèbre de tous les avions bombardiers d’eau. C’est la version améliorée des anciens avions amphibies Canadair CL-415 et CL-215. Ils ont été conçus spécifiquement pour la lutte contre les incendies de forêt; ils jouissent d’un succès retentissant. Mis sur le marché en 1994, ils sont utilisés au Canada ainsi qu’aux États-Unis, en Italie, en France et ailleurs dans le monde. Cet avion bombardier a une capacité de 6 140 litres d’eau par passage, sur une distance de plus de 400 m, en environ 12 secondes. Il dispose d’une autonomie de vol de plus de 2 400 km, ce qui le rend parfait pour de longues opérations de lutte contre les incendies. Mais ce n’est pas le seul avion moderne conçu spécifiquement pour la lutte contre les incendies de forêt. D’autres modèles jouissent d’un succès comparable, notamment le Beriev Be-200 Altair (Russie, capacité de 12 000 litres, seulement 9 ont été construits), le Harbin SH-5 (Chine, principalement utilisés pour des applications militaires, un seul équipé pour la lutte contre les incendies) et le Consolidated PBY Catalina (environ une douzaine demeurent en service, principalement utilisés pour la lutte contre les incendies).
Figure 6. L’avion Beriev’s Be-200 Altair à l’action effectuant le plein d’eau.
Malheureusement, pour de nombreux constructeurs aéronautiques, ce marché est petit et il n’y a pas beaucoup de capitaux privés consacrés au développement d’avions bombardiers d’eau plus perfectionnés [4]. Heureusement, la plupart de ces avions-citernes ont été construits pour durer une éternité, et certains d’entre eux sont en service depuis plusieurs décennies. L’avion bombardier d’eau Hawaii Mars est en service depuis plus de 50 ans en Colombie-Britannique et sa mise à niveau est attendue depuis longtemps [6].
De nombreux avions qui n’avaient pas été conçus comme des avions bombardiers d’eau ont récemment fait l’objet de transformations très intéressantes. C’est le cas de deux modèles bien connus qui ont été adaptés par le gouvernement australien pour lutter contre les incendies de forêt au cours de l’été 2015 [5]. Le premier modèle, un avion-citerne de très grande taille provenant d’un DC-10 modifié, surnommé Southern Belle, avec une capacité de près de 44 000 litres d’eau. Le deuxième modèle, un avion-citerne élaboré en utilisant un Lockheed L100-30 (également connu sous le nom C-130 Hercules), surnommé Thor, avec une capacité de près de 15 000 litres d’eau. Ces deux avions modifiés résultent de la créativité et de la nécessité d’élaborer des appareils de lutte contre les incendies plus rapides et plus gros sur le territoire australien.
Figure 7. Démonstration du DC-10 « Southern Belle » en 2015, à South Hampton en Australie [5].
Les conditions climatiques et atmosphériques semblent favoriser des journées plus chaudes et plus sèches en été avec peu ou pas de pluie. Nous devons rechercher des solutions à long terme pour faire face à la tendance d’incendies plus agressifs dans le monde entier. Entretemps, nous devons appliquer les technologies dont nous disposons pour résoudre des problèmes qui sont bien connus. Que ce soit par l’intégration de plusieurs bases de données d’informations pour générer de nouveaux modèles prédictifs sur les probabilités d’incendie ou en modifiant les plate-formes existantes à de nouvelles fins, ces avions bénéficient d’une nouvelle vie tout en réduisant le gaspillage. Une alternative courante, très fréquemment utilisée à ces fins, consiste à mélanger des produits ignifuges de haute technologie avec l’eau transportée par ces avions bombardiers. Rappelez-vous qu’un feu de forêt affecte non seulement les communautés de la région, mais également toute la faune de l’écosystème local.

Luis Felipe Gerlein Reyes
Luis Felipe Gerlein est étudiant au doctorat à l’ÉTS. Ses recherches portent sur la nanofabrication et la caractérisation de dispositifs optoélectroniques à base de chalcogénures de plomb, de nanostructures à base de carbone et de matériaux pérovskite.
Programme : Génie électrique
Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada sur les matériaux et composants optoélectroniques hybrides imprimés
