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Évaluation biomécanique de ceintures lombaires pour sportifs - Par : Manon Gautier, Yvan Petit, David Labbé, Éric Wagnac,

Évaluation biomécanique de ceintures lombaires pour sportifs


Manon Gautier
Manon Gautier a terminé une maîtrise en génie, concentration technologies de la santé, à l’ÉTS. Elle est titulaire d’un diplôme d’ingénieur obtenu à l’UTBM et d’un diplôme en innovation en chirurgie de l’ÉTS.

Yvan Petit
Yvan Petit est professeur au département de génie mécanique de l’ÉTS. Ses intérêts de recherche portent sur la conception assistée par ordinateur, la biomécanique, les dispositifs médicaux et de protection et la fabrication additive.

David Labbé
David Labbé est professeur au Département de génie logiciel et des TI de l’ÉTS. Ses recherches portent sur la chirurgie assistée par ordinateur, la réalité virtuelle augmentée, la biomécanique sportive et la prévention de blessures.

Éric Wagnac
Éric Wagnac est professeur au département de génie mécanique de l’ÉTS. Ses recherches portent sur la biomécanique, la conception par ordinateur, la simulation par éléments finis, les dispositifs de protection et les outils chirurgicaux.
Programme : Génie mécanique 

L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.

RÉSUMÉ:

Au commencement du projet, en mai 2017, aucune méthode d’évaluation ne permettait de caractériser les propriétés neuro-proprioceptives d’une ceinture lombaire ni ses performances générales, ce type de ceinture n’étant pas offert sur le marché. De plus, la proprioception est une notion complexe dont les méthodes d’évaluation ne sont pas encore probantes. Or, intégrer cette notion dans la conception des ceintures lombaires favoriserait une réadaptation plus rapide, ce qui représenterait un avantage pour les sportifs. C’est l’objectif que s’est fixé l’entreprise POZA (Montréal, Canada) en développant un prototype dont le potentiel neuro-proprioceptif reste à être démontré scientifiquement. L’objectif de cette étude était, dans un premier temps, de mettre en place un protocole d’évaluation de ceintures lombaires pour sportifs afin d’évaluer leurs performances générales et leur potentiel neuro-proprioceptif. Dans un second temps, ce protocole a été évalué par l’utilisation de deux ceintures lombaires sur deux sujets sains. La première étape de ce protocole vise à évaluer les performances générales d’une ceinture lombaire. La deuxième étape de ce protocole vise à évaluer le caractère neuro-proprioceptif d’une ceinture lombaire : l’activité musculaire, l’équilibre, le mouvement et la coordination. Mots-clefs ceinture lombaire, proprioception, pression, réalité virtuelle, équilibre, analyse cinématique, EMG

Introduction

Les douleurs au bas du dos sont la cinquième cause la plus fréquente de visites chez le médecin aux États-Unis (Deyo, Mirza, & Martin, 2006). Entre 60 et 80 % de la population souffrira de lombalgie à un moment ou l’autre de sa vie (Truchon et al., 2007). La lombalgie constitue également une source de douleur fréquente chez les athlètes, car les blessures surviennent lorsque le bas du dos est soumis à un impact violent ou répétitif, à un mouvement de torsion ou à une charge lourde avec mouvement (Hyde, 2012). Il faut aussi savoir que les blessures au bas du dos ont une incidence sur la proprioception (Desormeaux, 2016b). La proprioception « fait référence aux informations échangées entre le cerveau et les récepteurs ligamentaires, musculaires et articulaires du corps qui permettent à ce dernier de maintenir un bon équilibre, une bonne coordination des mouvements et une meilleure activation des muscles sollicités » (P. Desormeaux, conversation personnelle, 29 mai 2017).

Pour permettre la réadaptation à la suite d’une blessure au niveau du bas du dos, une ceinture lombaire est fréquemment prescrite. Or, aucune ceinture lombaire pour sportifs sur le marché ne prend en compte la notion de proprioception dans sa conception. Par conséquent, le caractère neuro-proprioceptif des ceintures lombaires n’a jamais été évalué. De plus, la littérature ne présente ni conclusion ni méthodologie probante pour ce qui a trait à l’évaluation de l’effet proprioceptif dans différents contextes (Villafane et al., 2015).

Objectifs

Ce projet intitulé « évaluation biomécanique de ceintures lombaires pour sportifs » avait pour mission principale de mettre en place un protocole d’évaluation de ceintures lombaires pour sportifs afin d’évaluer leurs performances générales et leur potentiel neuro-proprioceptif. Le deuxième objectif de cette étude était de valider ce protocole sur sujet sain avec un prototype de ceinture dite neuro-proprioceptive, développé par POZA (Montréal, Canada), et une ceinture actuellement sur le marché.

Plus précisément, les objectifs du protocole ont été les suivants :

  • pouvoir évaluer la facilité d’installation et le soutien au niveau du bas du dos d’une ceinture lombaire;
  • pouvoir évaluer le potentiel neuro-proprioceptif d’une ceinture lombaire par la mesure de l’effet de la ceinture sur l’activité musculaire, l’équilibre, le mouvement et la coordination lors de l’exécution d’une tâche visant à atteindre ou à éviter des cibles.

La proprioception : une notion mal connue

La proprioception est une notion complexe, définie différemment selon l’auteur. Certaines études ont montré que les personnes ayant subi une blessure au bas du dos peuvent présenter des changements concernant l’état fonctionnel, ainsi qu’une diminution de l’activation musculaire lors d’une activité physique (Georgy, 2011; Hodges & Richardson, 1996; Cholewicki et al., 2002). Pour ce qui est de l’activation musculaire, les études démontrent un changement en ce qui concerne la vitesse, la séquence et le temps d’activation des muscles (Frost & Brown, 2016). Par conséquent, le corps doit compenser différemment pour pallier l’inhibition et/ou le délai d’activation, ce qui crée un déséquilibre affectant la stabilité du tronc (Kong & Hwang, 2015). Il existe différentes études et hypothèses pour expliquer ce changement de réponse; plusieurs s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un facteur prédisposant à une blessure au bas du dos (Radebold, Cholewicki, Panjabi, & Patel, 2000). De plus, selon les études abordant la notion de proprioception, les concepts précédents (activité musculaire, stabilité, etc.) définiraient la proprioception.

blessures affectant la proprioception

Une fois les capacités proprioceptives affectées, le retour à l’état fonctionnel peut être long. Dans cette optique, plusieurs thérapeutes s’intéressent particulièrement aux exercices proprioceptifs. Ces exercices ont pour but de rééduquer le contrôle neuromusculaire afin d’activer les bons muscles au bon moment. Cependant, l’évaluation de la neuro-proprioception est un élément nouveau et son effet, bien que reconnu par plusieurs spécialistes, n’a jamais été démontré scientifiquement comme le montre la revue de littérature de Villafane et al., (2015), qui met en lumière le fait qu’aucune méthode développée pour évaluer la proprioception n’est valide. Deux autres études (Wiliams, Whatman, Hume, & Sheerin, 2011; Halseth, McChesney, DeBeliso, Vaughn, & Lien, 2004) montrent qu’il existe peu de données montrant les effets d’une orthèse ou d’une bande textile sur les capacités neuromusculaires du corps.

Les limites des ceintures lombaires

Une étude menée par l’entreprise POZA (Montréal, Canada) a montré que les ceintures actuelles ne répondaient pas adéquatement aux besoins des utilisateurs. En effet, bien que leur port durant les premières semaines suivant une blessure au bas du dos présente des bénéfices, l’utilisation prolongée d’une ceinture lombaire peut causer un affaiblissement des muscles de l’abdomen, ce qui entre en contradiction avec les recommandations des professionnels de la santé. Selon POZA, les ceintures lombaires actuelles, en plus d’affaiblir les muscles, ne sont pas conçues pour récupérer les capacités proprioceptives. En effet, leur conception empêche le mouvement et l’activation musculaire.

Afin de pallier les problèmes rencontrés avec les ceintures lombaires actuelles, l’entreprise POZA, qui est à l’origine du projet, s’est fixé comme objectif d’offrir une ceinture proprioceptive. La ceinture POZA utilise un textile neuro-proprioceptif couramment utilisé dans le monde du sport. Le bandage neuro-proprioceptif (BNP) est une bande textile qui copie les propriétés cutanées de la peau et qui agit sur les récepteurs sensoriels du corps. Cette bande aurait comme capacité d’augmenter le flux d’information provenant des récepteurs, tout en envoyant des messages d’activation ou de repos aux muscles. La ceinture POZA stimulerait la proprioception grâce aux formes différentes de chacune de ses parties. Ce changement de forme, réalisé par l’utilisation de plusieurs matières, dont un textile neuro-proprioceptif, permettrait de stimuler les récepteurs touchés. Au moment de la réalisation de ce projet, la ceinture POZA était au stade de prototype.

Méthodologie

Le protocole défini comprend deux parties. La première partie du protocole vise à évaluer les performances générales d’une ceinture lombaire. Pour ce faire, deux tests ont été mis en place : l’évaluation de l’installation et l’évaluation des pressions à l’interface ceinture lombaire-dos à l’aide de matrices de pression.

Évaluation des pressions sous la ceinture lombaire

La seconde partie du protocole vise à évaluer le potentiel neuro-proprioceptif des ceintures lombaires au moyen de trois tests menés dans un contexte dynamique créé par un environnement virtuel. Ces trois tests ont été définis à partir de la conceptualisation de la notion de proprioception selon quatre mesures : l’activité musculaire, l’équilibre, le mouvement et la coordination.

Il a été choisi d’observer les signaux électromyographiques (EMG) pour évaluer l’activité musculaire et d’observer les centres de pression pour évaluer l’équilibre en utilisant des plateformes de force. L’analyse cinématique par des marqueurs et des caméras infrarouges a été considérée comme adéquate pour observer le mouvement. Enfin, l’environnement virtuel a été développé de sorte à pouvoir émettre des conclusions sur la coordination par l’analyse des données de sortie générées. Ces données de sortie concernent l’atteinte de cibles présentes dans l’environnement grâce à des manettes associées au programme de réalité virtuelle. Dans le but d’obtenir un protocole optimal, différents tests préliminaires ont été menés sur deux sujets. Par la suite, un test pilote, réalisé avec l’un des deux sujets, a été effectué afin de valider le protocole final établi. Les deux sujets sélectionnés pour ces tests étaient des hommes majeurs, conformément à la population visée par les ceintures lombaires testées au cours de ces expérimentations.

Évaluation de l’activité musculaire par EMG

Résultats

L’analyse des tests préliminaires a permis de définir un protocole final qui a été appliqué lors d’un test pilote. Les résultats du test pilote ont permis de confirmer la mise en pratique des tests ainsi que d’émettre des recommandations pour une application sur une cohorte plus large de participants. De plus, l’analyse des données du test d’électromyographie a permis de valider ce test dans son ensemble. Cependant, afin de valider le test pilote au complet, l’analyse des données des plateformes de force et de celles permettant l’analyse du mouvement et de la coordination doit être poursuivie.

Partenariats

Ce projet de recherche a été amorcé par POZA (Montréal, Canada), une entreprise en démarrage mise en place par un ancien étudiant de l’ÉTS, Philippe Desormeaux, en vue de commercialiser une nouvelle ceinture lombaire innovante pour sportifs. À ce jour, cette société a développé un modèle de ceinture lombaire qui est encore en phase de prototypage. Pour cela, elle utilise principalement la technologie d’impression 3D pour itérer et valider rapidement les pièces utilisées sur la ceinture.

Ce projet de recherche a reçu le soutien de MITACS, organisme canadien sans but lucratif, dans le cadre du programme MITACS Accélération.

Manon Gautier

Profil de l'auteur(e)

Manon Gautier a terminé une maîtrise en génie, concentration technologies de la santé, à l’ÉTS. Elle est titulaire d’un diplôme d’ingénieur obtenu à l’UTBM et d’un diplôme en innovation en chirurgie de l’ÉTS.

Programme : Génie mécanique  Génie technologies de la santé 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

Profil de l'auteur(e)

Yvan Petit

Profil de l'auteur(e)

Yvan Petit est professeur au département de génie mécanique de l’ÉTS. Ses intérêts de recherche portent sur la conception assistée par ordinateur, la biomécanique, les dispositifs médicaux et de protection et la fabrication additive.

Programme : Génie mécanique  Génie technologies de la santé 

Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada en biomécanique des traumatismes à la tête et la colonne vertébrale 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

Profil de l'auteur(e)

David Labbé

Profil de l'auteur(e)

David Labbé est professeur au Département de génie logiciel et des TI de l’ÉTS. Ses recherches portent sur la chirurgie assistée par ordinateur, la réalité virtuelle augmentée, la biomécanique sportive et la prévention de blessures.

Programme : Génie logiciel  Génie des technologies de l'information 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

Profil de l'auteur(e)

Éric Wagnac

Profil de l'auteur(e)

Éric Wagnac est professeur au département de génie mécanique de l’ÉTS. Ses recherches portent sur la biomécanique, la conception par ordinateur, la simulation par éléments finis, les dispositifs de protection et les outils chirurgicaux.

Programme : Génie mécanique 

Laboratoires de recherche : LIO – Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie 

Profil de l'auteur(e)


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