05 Juil 2017 |
article de recherche |
Les systèmes intelligents et autonomes
Effectuer la segmentation des images provenant de Mars





Note de l’éditeur
Nous vous avons présenté dernièrement plusieurs articles portant sur la recherche et les développements technologiques effectués en vue de la colonisation de Mars, de la Lune et d’autres planètes. Ces articles abordaient, entre autres, deux systèmes d’imagerie servant à évaluer la santé de plantes qui pousseraient dans des serres autonomes pour soutenir la vie humaine :
- Faire pousser des plantes sur Mars,
- Simuler Mars au cœur de la serre Arthur Clarke,
- M‐PHIS : un nouveau système d’imagerie pour faire pousser des plantes sur Mars,
- Essais du M-PHIS pour la culture des plantes sur Mars.
Ces systèmes d’imagerie génèrent un grand nombre d’images qu’il faut analyser rapidement et transmettre à la Terre. La méthode de segmentation proposée dans cet article permet de faciliter l’analyse des images et d’en assurer la transmission malgré les limites imposées par le lien de communication.
Introduction
Comme les humains continuent à explorer au-delà des confins de notre propre planète, nous sommes confrontés à une variété de défis afin de faciliter ces explorations. Parmi ces défis, le génie de l’environnement qui englobe le soutien des humains dans des habitats extraterrestres (Bamsey et al., 2009b). Les plantes sont au centre de tout système de soutien de la vie qui contient des composantes biologiques. L’Agence spatiale canadienne étudie la possibilité de soutenir la présence humaine sur la Lune ou sur Mars en implantant des serres (Bamsey et al., 2009a). Le bénéfice de ces serres réside dans leur capacité à fournir dans une boucle fermée un système de régénération des trois piliers de soutien de la vie, ceux-ci étant :
- la provision de biomasse comestible;
- la gestion de l’atmosphère, principalement CO2 et O2;
- la production d’eau potable (Bamsey et al., 2009b).
D’où l’importance de la compréhension des enjeux métaboliques qui peuvent influencer la croissance des plantes et leur développement dans l’espace. Le « Transgenic Arabidopsis Gene Expression System » (TAGES) est un détecteur de l’état de santé des plantes (Manak et al., 2002). TAGES se sert de l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana) génétiquement modifiées comme bio-moniteurs pour déterminer la qualité de l’environnement dans lequel elles se trouvent (figure 1).

Figure 1. Arabette des dames (Arabidopsis thaliana)
Après une mission du système d’imagerie TAGES (Paul et al., 2003), il y a des centaines d’images à analyser. En effet, une paire d’images est captée toutes les heures pendant 15 à 30 jours, une du spectre visible et une de fluorescence (protéine fluorescente verte, PFV). Les images ont une résolution de 96 dpi et de 8 bits de profondeur (figure 2).

Figure 2. Arabidipsis, visible (gauche) et Arabidopsis, PFV (droite)
L’analyse de ces images demande beaucoup de temps et d’énergie de la part des astronautes ou des scientifiques. Aussi, la transmission de ces images sur la Terre représente un défi. La stabilité ou la vitesse du lien de communication entre la station ou la fusée spatiale et la Terre n’est pas assez fiable pour envoyer de gros fichiers d’images, et ce, même lorsque les images sont compressées. De plus, la compression n’est pas une option valable puisqu’elle peut entraîner une grande perte d’information.
Le but est de simplifier l’analyse des images captées par le système en discriminant les différentes parties de la plante (feuilles, tiges et racines). Cette information permet de simplifier l’analyse des conditions sous lesquelles les différentes parties de la plante sont les plus stressées (malades). Le programme peut analyser et envoyer les données sur Terre sous forme de nombres et non d’images, ce qui devrait permettre de résoudre le problème de communication et le temps d’analyse.
Méthodes de segmentation testées
Les nuances de gris entre les différentes parties de la plante jouent un rôle important pour la segmentation. En effet, il y a une différence entre les nuances de gris de chaque segment de la plante, mais certains pixels d’une partie empiètent sur ceux d’une autre et ont les mêmes intensités. Par exemple, dans l’image PFV, il y a une différence entre la nuance de gris des feuilles et celle des tiges, mais pas partout puisqu’il y a des parties de tiges qui ont la même nuance de gris que certaines parties des feuilles. La séparation entre les différentes parties de la plante par la méthode de seuillage (threshold) n’est donc pas efficace. Comme le démontre bien la figure 3, la segmentation est possible mais au prix de plusieurs erreurs entre les tiges et les feuilles.

Figure 3 Segmentation des feuilles (gauche) et des tiges (droite) d’une image PFV par la méthode de seuillage
Les quatre parties de la plante ont une intensité de gris différente; une même partie de la plante a aussi une intensité différente sur l’image visible et sur l’image PFV. Il y a donc deux dimensions d’intensité pour chaque partie de la plante. En prenant des échantillons de pixels de chaque classe (feuilles, tiges, racines et fond) et de chaque type d’images (visible et PFV) un vecteur contenant la valeur du pixel visible et la valeur du même pixel en PFV est produit.
La figure 4 démontre bien la possibilité de séparation des classes. Même si la séparation entre la classe « racine » et la classe « fond » est difficile dans l’image PFV, elle est facile dans l’image visible. La figure 3 nous permet donc de conclure que les vecteurs de caractéristiques vont permettre aux classifieurs de bien séparer les différentes parties de la plante.

Figure 4 Valeurs moyennes d’intensité des différentes parties de la plante pour les deux types d’image : spectre visible et PFV
Un échantillon de soixante pixels pour chaque classe a été enregistré où chaque pixel est représenté par un vecteur de caractérisation qui contient la valeur du pixel visible et la valeur du pixel PFV :
Vecteur de caractérisation = [pixel visible, pixel PFV]
Algorithmes de classification
Les algorithmes de classification, sont des algorithmes permettant d’attribuer une étiquette à un ensemble de données en utilisant une base d’apprentissage (échantillons) dont on connaît les étiquettes (les classes). Trois différents algorithmes de classification ont été implantés, testés et comparés :
- Le Bayes quadratique (Bayes- Q) (Cheriet et al., 2007);
- K plus proches voisins (K-PPV) (Cheriet et al., 2007);
- La machines à vecteurs de support (MVS) (Adankon, 2005) et (Cheriet et al., 2007).
Résultats des trois algorithmes de classification
La comparaison des méthodes de classification se base sur quatre critères :
- la qualité de l’image reconstruite;
- le taux d’erreur, s’il y a lieu;
- le temps total;
- la complexité de l’algorithme (selon le nombre de boucles) qui influence l’énergie consommée par le processeur.

Figure 5 Bayes quadratique

Figure 6 Méthode KNN, K = 5 (gauche) et K = 11 (droite)

Figure 7. Méthode MVS C= 100, γ= 0.01 (droite), C= 10k, γ= 0.01 (gauche)
Les figures 5, 6 et 7 montrent que le meilleur classifieur, celui dont l’image contient le moins de pixels mal classés, est le KNN où K = 5. Le Bayes quadratique est également performant, mais comprend un peu plus de pixels mal classifiées. Par contre, l’effort et le temps mis par l’algorithme du KNN sont 17 fois plus grands que ceux nécessaires au Bayes quadratique (581 s/35 s = 16,6). L’algorithme le moins performant est le MVS. Il est non seulement gourmand en temps et en énergie, mais il a également le taux d’erreur le plus élevé; de plus, on trouve beaucoup de pixels mal classifiés autour des contours des racines et même dans les feuilles.
Ces tests démontrent que le Bayes quadratique a le meilleur rapport performance/erreurs : bien qu’il effectue un peu plus d’erreurs que KNN, l’algorithme offrant le moins d’erreurs, il est moins gourmand en temps et en énergie. Au lieu de 581 secondes et 405 721 120 instructions, le BAYES quadratique ne nécessite que 35 secondes et 2 144 348 instructions. Le rapport performance/erreurs du MVS est loin derrière, puisqu’il a besoin de 2 385 secondes et 116 467 596 instructions.
Conclusion
Les résultats obtenus démontrent qu’avec la méthode de caractérisation conçue et l’utilisation d’algorithmes de classification, l’objectif de segmentation de la plante a été accompli avec succès et avec un très faible taux d’erreur. Les erreurs se trouvent surtout dans la classe « racine ». Ceci est dû au fait que le signal de la fluorescence (image PFV) de la classe « racine » est faible et très près de la nuance de gris de la classe « fond ». Le rapport signal sur bruit est alors élevé, ce qui engendre plus d’erreurs que pour les autres classes dont le signal est plus fort. Une solution à explorer pour réduire le taux d’erreurs serait de filtrer l’image au début du processus, avant la caractérisation, et d’augmenter le nombre d’échantillons.
Informations supplémentaires
Pour plus d’informations, consulter l’article de recherche suivant :
Abboud, Talal; Hedjam, Rachid; Noumeir, Rita; Berinstain, Alain. 2012. Segmentation d’images de plantes capturées par une système d’imagerie fluorescente. Article présenté à la « conférence IEEE Montréal Canada » en avril 2012.
Ou le mémoire de maîtrise suivant : Abboud, Talal (2013). Systèmes d’imagerie pour l’étude de la santé des plantes et la biologie spatiale. Mémoire de maîtrise électronique, Montréal, École de technologie.

Talal Abboud
Talal Abboud détient un baccalauréat et une maîtrise en ingénierie du Département de génie électrique de l’École de technologie supérieure (ÉTS). Il est actuellement concepteur en électronique au centre d'excellence de Kongsberg Automotive.

Rachid Hedjam
Rachid Hedjam est un boursier post-doctoral au Département de géographie de l’Université McGill et un membre du Laboratoire Synchomédia de l’ÉTS.
Laboratoires de recherche : SYNCHROMÉDIA – Laboratoire de communications multimédias en téléprésence

Rita Noumeir
Rita Noumeir est professeure au Département de génie électrique de l’ÉTS. Ses recherches portent sur l’utilisation de méthodes d’intelligence artificielle pour créer des systèmes d’aide à la décision ainsi que le traitement vidéo et d’images.
Programme : Génie électrique
Chaire de recherche : Chaire de recherche sur le développement et validation de systèmes d’aide à la décision clinique à l’aide de l’intelligence artificielle
Laboratoires de recherche : LIVIA – Laboratoire d'imagerie, de vision et d'intelligence artificielle SYNCHROMÉDIA – Laboratoire de communications multimédias en téléprésence

Alain Berinstain
Alain Berinstain a passé 17 ans à l’ASC où il a occupé le poste de directeur de l’Exploration planétaire et de l’astronomie spatiale. Depuis 2013, il se consacre à la communication de la science et de la technologie au sein de Psyence.
Laboratoires de recherche :
