04 Mai 2016 |
article de recherche |
L'aéronautique et l'aérospatiale
Un drone servant de relais de communication entre unités de position inconnue







Image d’en-tête : Vision d’artiste d’une éventuelle opération de sauvetage grâce aux radios cognitives. Source: François Gagnon. La licence CC de Substance s’applique à elle.
Le succès de toute mission constituée de plusieurs unités dispersées géographiquement repose sur un flot constant de communication permettant l’échange et la mise à jour de l’information en continu. Or cette exigence n’est pas toujours satisfaite en raison de la portée limitée des communications radio sans fil souvent masquées par des obstacles, particulièrement lorsque des unités distantes opèrent en milieu urbain, montagneux ou accidenté. Le problème s’aggrave lorsque le débit des liaisons sans fil (qui peuvent desservir plusieurs unités) augmente. Une des solutions consiste à utiliser des relais afin de retransmettre les signaux d’un endroit à un ou plusieurs autres endroits, ce qui permet de maintenir les connexions à large bande, de faciliter les communications et d’étendre la portée entre les unités (figure 1).

Figure 1 Drone servant de relais de communication pour unités au sol
Les avions, les satellites et les drones (UAV) peuvent étendre de façon considérable la portée des liaisons de télécommunication lorsque employés comme relais, même en présence d’obstacles physiques. Depuis quelques années, les UAV retiennent de plus en plus l’attention en raison de leur maniabilité et de leur rentabilité. De plus, l’avionique, les systèmes embarqués et les systèmes de commande ont connu des percées importantes permettant la mise en place de prototypes d’UAV légers et autonomes. En 2009, Northrop Grumman a fait la démonstration de la capacité des UAV de relayer les communications à l’aide du Bat Flying Wing. En 2011, Boeing a expérimenté avec succès un relais à bande étroite, placé à bord de deux UAV, un ScanEagle de Insitu et un AeroVironment Puma All Environment portable. Durant la démonstration, les UAV ont volé à diverses altitudes tout en assurant la connexion entre des radios militaires portatives dispersées en région montagneuse1. La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) a récemment accordé un contrat de 16,4 millions de dollars à L-3 Communications afin de poursuivre le programme de points d’accès mobiles. L’objectif du programme est de surmonter les difficultés reliées à la transmission de données en régions isolées, hors des zones desservies. Pour ce faire, une structure de télécommunication par ondes millimétriques sera mise en place afin de permettre l’établissement de connexions entre les soldats sur le terrain et les bases d’opérations avancées, les centres d’opérations tactiques et les agents œuvrant dans les opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance2. Ce programme comprend la création de points d’accès mobiles par l’ajout de nacelles munies de modules radio et routeurs dans les UAV Shadow .
Pour ces applications, la position des diverses unités (par ex., les soldats, les bases d’opérations avancées, les centres d’opérations, etc.) doit être à la disposition du pilote de la station au sol, ou à celle du pilote automatique afin que le drone se positionne de façon optimale et serve de relais de communication. Lorsqu’il y a seulement deux unités au sol, on peut déduire facilement que la position optimale se situe quelque part entre les deux unités, plus près de celle transmettant le signal le plus faible. Ce scénario est réaliste, car les soldats sont habituellement équipés de systèmes radio légers (petites radios portatives), contrairement aux centres d’opérations. La position des troupes au sol est habituellement déterminée par système de positionnement par satellite (GNSS), i.e. GPS, GLONASS, GALILEO. Cependant, les missions qui dépendent de ces systèmes sont vulnérables et sujettes à l’échec à cause des risques de mystification et de brouillage des GNSS. Cet inconvénient a motivé ce projet de recherche, financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et par Ultra Electronics-TCS. Notre objectif est de proposer une loi de navigation pour l’UAV afin qu’il puisse se positionner de façon optimale entre deux unités au sol sans avoir recours aux signaux GNSS. Le positionnement se fait « à l’aveugle », c’est-à-dire que l’UAV ne connaît pas préalablement la position des troupes, qu’elles soient en mouvement ou stationnaire. Puisque l’on ignore la position des troupes au sol, la position optimale (stationnaire ou en mouvement) du relais de communication est aussi inconnue; le problème de relais de communication devient donc une question d’optimisation en temps réel. La loi de navigation que nous proposons utilise deux mesures pour chaque unité desservie : la force du signal et son angle d’arrivée. L’altitude du drone est supposée constante et sa vitesse linéaire est ajustée en projetant la force du signal capté sur le plan de recherche à l’aide de l’angle d’arrivée. L’algorithme proposé se base sur l’idée que les angles d’arrivée conduisent le drone entre les deux unités du réseau tandis que les forces des signaux déterminent la position optimale du relais. Des simulations élaborées et complétées par des expériences menées en plein air ont montré l’efficacité de la loi de navigation proposée, autant pour les troupes stationnaires que celles en mouvement.
Les résultats des simulations, présentés à la figure 2, montrent le comportement du drone dans le plan xy lorsqu’il tente de se positionner afin de servir de relais de communication à deux unités stationnaires (représentées par des cercles). Le drone ne fait que mesurer la force des signaux et leur angle d’arrivée, sans connaître préalablement la position des unités. Plusieurs tests ont été effectués en utilisant différentes conditions initiales pour le drone. Pour toutes ces conditions initiales, la loi de navigation proposée a conduit le drone à la position optimale (représentée par un losange). Ces simulations ont été effectuées en présumant que les systèmes de communication des deux unités au sol étaient identiques ; la position optimale du relais de communication était donc en plein centre.

Figure 2 Relais de communication pour deux unités stationnaires au sol
La loi de navigation proposée a aussi été évaluée pour des troupes en mouvement. Comme précédemment, les systèmes de communication radio ont été supposés identiques (figure 3). Les missions des troupes commencent aux cercles et se terminent aux triangles. Le drone, placé initialement à une position arbitraire (300, 400), trouve rapidement et suit en temps réel la position optimale qui varie dans le temps (représentée par le trait épais, en pointillé).

Figure 3 Relais de communication pour deux unités en mouvement
Les expériences en plein air ont été effectuées à l’aide d’un Pelican, un UAV fabriqué par Ascending Technologies. Cet appareil est présenté en opération à la figure 4 et une vue rapprochée est proposée à la figure 5.

Figure 4 Le UAV Asctec Pelican en opération

Figure 5 Le UAC Asctec Pelican stationnaire
Les expériences ont été réalisées en utilisant deux ordinateurs portatifs chacun équipé d’un sysème de communication Wi-Fi. La première vidéo montre les résultats obtenus en laissant les deux ordinateurs immobiles. Contrairement aux simulations (systèmes de communication supposés identiques), les signaux ont été corrompus par du bruit, de l’évanouissement, de la réflexion et de l’affaiblissement pour se rapprocher des conditions réelles d’utilisation.
Vidéo 1 : Mise en route du relais et données expérimentales — le 29 octobre 2013
La deuxième vidéo présente les résultats expérimentaux lorsque l’une des unités est en mouvement. Les données obtenues ont été mises sous forme graphique dans la troisième vidéo. Ces résultats démontrent clairement que le drone est en mesure de trouver et de suivre en temps réel la position optimale qui varie dans le temps, sans connaissance préalable de la position des unités, en se servant uniquement de la force des signaux et de leur angle d’arrivée.
Vidéo 2 : Unités dynamiques — le 21 novembre 2013
Vidéo 3 : Unités dynamiques (données) — le 21 novembre 2013
Ce travail a reçu le soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et de Ultra Electronics-TCS. Pour plus d’informations sur ce projet, s’adresser au professeur Ouassima Akhrif ou au professeur François Gagnon.

Ouassima Akhrif
Ouassima Akhrif est professeure au Département de génie électrique à l’ÉTS. Ses projets de recherche portent sur l’analyse de bifurcation, la commande géométrique non linéaire et adaptative et la commande de vols et de drones.
Programme : Génie électrique
Laboratoires de recherche : GREPCI – Groupe de recherche en électronique de puissance et commande industrielle

Abbas Chamseddine
Abbas Chamseddine est expert en commande et navigation aérienne chez ARA Robotique et chargé de cours à l’ÉTS. Il est membre de l’institut aéronautique et spatial du Canada et de l’Association for Unmanned Vehicle Systems International.
Programme : Génie électrique
Laboratoires de recherche : LACIME – Laboratoire de communications et d'intégration de la microélectronique

Guillaume Charland-Arcand
Guillaume Charland-Arcand a une maîtrise en génie électrique de l’ÉTS. Son projet portait sur la commande non linéaire d’hélicoptères quadrirotors. Chef d’équipe au Dronolab, il a démarré ARA Robotique, une entreprise incubée au Centech.
Programme : Génie électrique

Denis Couillard
Denis Couillard est directeur d’innovation des produits chez Ultra Electronics TCS. Il cumule 30 années d’expérience en radiocommunication.

Samuel Gagné
Samuel Gagné est chargé de l'application technologique et informatique au Département de génie électrique de l’ÉTS. Ses champs d’expertise sont le traitement numérique du signal, les communications sans fil et les radios logicielles.
Programme : Génie électrique
Chaire de recherche : Chaire de recherche industrielle CRNSG Ultra Electronique en communication sans fil d’urgence et tactique

François Gagnon
François Gagnon est professeur au Département de génie électrique de l’ÉTS. Ses recherches portent sur les stratégies numériques, la modulation, la microélectronique, le traitement du signal, la radio logicielle et la communication mobile.
Programme : Génie électrique
Chaire de recherche : Chaire de recherche industrielle CRNSG Ultra Electronique en communication sans fil d’urgence et tactique
Laboratoires de recherche : LACIME – Laboratoire de communications et d'intégration de la microélectronique
