03 Avr 2018 |
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La couleur bleue : un phénomène naturel qui relève de la physique


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Un pigment est une substance qui modifie la couleur de la lumière réfléchie ou transmise, résultant de l’absorption sélective de certaines longueurs d’onde [1]. La plupart des pigments de couleur ne sont pas créés par le corps, ils proviennent de la consommation d’une variété d’aliments. Nous avons appris ce fait par l’étude des flamants roses. Ils naissent gris, mais deviennent roses à l’ingestion de pigments appelés caroténoïdes, qui produisent la majorité des couleurs jaune vif, orange ou rougeâtre, trouvées dans les crustacés et les algues, qui constituent leur alimentation. Ce phénomène n’existe pas pour la couleur bleue, alors comment les singes, les oiseaux ou les papillons obtiennent-ils cette couleur?
Les pigments biologiques sont principalement des composés organiques qui absorbent sélectivement la lumière entrante et réfléchissent les longueurs d’onde restantes apparaissant sous forme de couleur. La couleur bleue a une longueur d’onde plus courte, soit 492 – 455 nm, par rapport au vert et au rouge qui ont des longueurs d’onde de 577 – 492 nm et 780 – 622 nm, respectivement. La plupart des pigments biologiques absorbent la lumière bleue parce qu’elle fournit suffisamment d’énergie pour amener un électron orbital à un état excité [2].
En raison de la rareté des pigments bleus, la nature utilise souvent un phénomène physique pur pour créer un bleu appelé structurel, la physique de la lumière à l’échelle nanométrique. Lorsque la lumière frappe la paroi cellulaire ou l’exosquelette d’un organisme, elle interagit avec les micro- et nanostructures de ce corps. La réflexion, la réfraction, l’interférence, la diffraction et la diffusion peuvent devenir des sources de couleurs structurelles et peuvent être accentuées en combinant ces phénomènes optiques [2]. À titre d’exemple, les plumes du geai bleu commun ne sont pas vraiment bleues, elles sont grises. Les plumes réfractent la lumière, apparaissant comme bleues à l’œil.
Le papillon Morpho est l’un des insectes les plus étudiés pour comprendre la couleur structurelle. Les ailes d’un papillon Morpho sont parmi les plus belles structures de la nature, et pourtant elles ne contiennent aucun pigment bleu.
Le laboratoire de Nipam Patel à UC Berkeley étudie comment les papillons Morpho forment ces structures spéciales, les écailles qui recouvrent leurs ailes alors qu’elles sont encore à l’intérieur des pupes. Chaque écaille est comme un pixel, de minuscules morceaux de tuiles formant une mosaïque, disposées en couches superposées. Les crêtes sur la surface de l’écaille sont la composante principale qui régit comment l’aile propage ou réfracte la lumière, tel un prisme. Lorsque la lumière frappe les crêtes, un phénomène appelé interférence constructive entre en jeu, ce qui est essentiellement le cas lorsque les ondes lumineuses diffractées sont intensifiées et réfléchies. L’espacement entre les crêtes, qui ressemblent à de petits « arbres de Noël », renforce des longueurs d’onde précises et en annule d’autres. C’est ainsi que l’œil perçoit ce bleu chatoyant. Les scientifiques ne savent toujours pas pourquoi, mais les vertébrés et les plantes produisent rarement le pigment bleu.

Figure 2 Modèle à grande échelle fait de polymères reproduisant (b) la section transversale TEM d’une écaille d’aile de papillon Morpho. Échelles des écailles : (a) 1,5 cm et (b) 800 nm

Figure 3 Une interférence constructive se produit dans chaque couche de la structure en forme de « sapin de Noël », renforçant la longueur d’onde de la lumière bleue que l’œil peut voir.
Pourquoi étudier la couleur structurelle? Pour concevoir des composants photoniques dans le but de créer, de manipuler ou de détecter la lumière. Ces composantes comprennent les diodes laser, les diodes électroluminescentes, les piles solaires et photovoltaïques, les écrans et les amplificateurs optiques. D’autres exemples seraient des dispositifs qui modulent un faisceau de lumière, et qui combinent et séparent des faisceaux de lumière de différentes longueurs d’onde.

Marie-Anne Valiquette
Marie-Anne Valiquette a obtenu un baccalauréat en génie mécanique à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal. Elle habite à Silicon Valley en Californie où elle étudie l’intelligence artificielle grâce à des plateformes en ligne comme Udacity et deeplearning.ai.
Programme : Génie mécanique
