28 Mar 2022 |
article de recherche |
Les technologies pour la santé , Les systèmes intelligents et autonomes
Combiner l’analyse de la résonance fonctionnelle à la logique floue



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La complexité des systèmes sociotechniques modernes nécessite des outils novateurs de gestion de la sécurité. Ces outils doivent tenir compte de la complexité sans simplifier à l’excès la représentation des variables observées. L’objectif de ce projet est de proposer une approche systémique d’analyse de performance centrée sur l’humain. À cette fin, nous avons conçu un modèle hybride combinant le FRAM qualitatif et la logique floue pour quantifier le langage naturel. Notre approche a permis d’analyser l’environnement de travail des opérations de dégivrage des avions en tenant compte du facteur humain comme composant principal et moteur de réussite. Les résultats préliminaires sont prometteurs et conformes aux conclusions de la littérature et aux observations sur le terrain. Mots-clés : FRAM, logique floue, dégivrage des avions, gestion de la sécurité, système sociotechnique.
L’introduction du concept sociotechnique dans le domaine de gestion de la sécurité mène à un changement de paradigme, soulignant la nécessité d’adopter une perspective systémique orientée vers la complexité. Les outils pour atteindre cet objectif s’appuient sur le langage naturel, facilitant ainsi la caractérisation des variables complexes. Dans notre projet, qui s’est déroulé sur les trois dernières années, nous avons combiné la méthode d’analyse de la résonance fonctionnelle (FRAM) (Hollnagel, 2004 & 2012) avec la logique floue (Zadeh, 1965) pour quantifier les variables linguistiques. Le FRAM, dans sa forme d’origine, est un outil qualitatif qui s’appuie sur des échelles ordinales linguistiques pour caractériser les variations de performance. Le modèle hybride a servi à analyser le contexte des opérations de dégivrage des avions, activité exigeant la plus haute fiabilité, dans une perspective systémique centrée sur l’humain. Après plusieurs instanciations du modèle, les résultats de la simulation ont permis de quantifier numériquement la fonction de qualité des données de sortie.
Définition et caractérisation des fonctions FRAM
Pour atteindre notre objectif, nous avons redéfini et caractérisé les fonctions FRAM comme des systèmes d’inférence floue (SIF) fondés sur des règles. Un modèle FRAM donne une représentation fonctionnelle du système, où une fonction représente une tâche ou un objectif précis. Chaque fonction comporte six aspects, dont cinq servent de valeurs d’entrée et un de sortie (Figure 1). Les fonctions sont liées entre elles, ce qui permet de représenter les relations dominantes du système et de le schématiser. La qualité de la sortie est ensuite évaluée à l’aide du langage naturel en fonction de deux phénotypes : le temps et la précision (Tableau 1).

Figure 1. Représentation graphique d’une fonction dans le FRAM
Tableau 1 Caractérisation qualitative de la variabilité dans le FRAM
Deux types de variabilités sont apparents pour chaque fonction : interne, provenant de l’intérieur de la fonction, et externe, provenant des couplages fonctionnels et de l’environnement de travail. Chaque fonction est alors définie comme un système d’inférence floue hiérarchique (Figure 2) ayant un SIF interne tenant compte du facteur de variabilité interne (FVI) et un SIF d’ordre supérieur tenant compte de la variabilité combinée du FVI et du facteur de variabilité externe (FVE). Une liste de onze conditions de performance communes (CPC) ont été choisies pour prévoir la variabilité interne possible, que l’on peut évaluer sur une échelle de zéro à dix. Nous avons ensuite conçu un système d’inférence floue fondé sur des règles pour adapter les scores des conditions de performance respectives et générer une quantification agrégée du FVI de chaque fonction. L’effet des phénotypes de temps et de précision est combiné et trié en trois classes : très variable, variable et non variable. Le résultat numérique représente un indicateur de la variabilité possible, négative ou positive, de la fonction de sortie. Sur une échelle de 0 à 1,5, 1 représente une sortie non variable. Toute valeur inférieure à 1 représente une variabilité négative et toute valeur supérieure à 1, une variabilité positive (Figure 3).

Figure 2. Les trois étapes d’un processus d’inférence floue

Figure 3. Représentation simplifiée d’une fonction FRAM en tant que SIF
Scénarios d’application
Nous avons construit un scénario d’application d’après deux accidents liés au dégivrage aéronautique au sol, à savoir l’écrasement du vol 751 de la Scandinavian Airlines, en 1991, et l’accident d’Air Maroc à Mirabel, en 1995. Au total, 17 fonctions ont été définies : quatre fonctions d’arrière-plan (non variables) et 13 fonctions de premier plan (possiblement variables). Afin d’introduire de la variabilité dans la configuration, nous avons formulé des hypothèses selon les conditions de performance possibles lors du dégivrage des aéronefs, comme des directives erronées relatives aux conditions météorologiques extrêmes, une formation inadéquate de l’équipe, et de fortes contraintes de temps.

Figure 4. Représentation graphique du modèle FRAM dans le FRAM Model Visualizer (FMV) avec sorties numériques
Selon les hypothèses formulées dans notre simulation, nous pouvons voir une variabilité positive possible pour les fonctions dont la qualité de sortie est égale ou supérieure à un, et une variabilité négative possible pour les fonctions dont le score est inférieur à un. Nous avons reporté les scores FVI et les sorties sur le graphique généré dans le visualiseur FRAM (FRAM Model Visualizer, FMV) et tracé une carte illustrant les relations dans le système étudié (Figure 4).
Conclusion
Les résultats préliminaires sont prometteurs et offrent un exemple clair de la manière de construire un tel modèle. Cette approche permet d’effectuer des simulations d’environnements de travail complexes, en conservant les avantages des deux méthodes, FRAM et logique floue, pour obtenir des résultats plus représentatifs et objectifs.
Pour plus d’information, veuillez consulter l’article principal :
Slim, H., Nadeau, S. (2019). Hussein Slim, Sylvie Nadeau. 2019. « A proposal for a predictive performance assessment model in complex sociotechnical systems combining fuzzy logic and the Functional Resonance Analysis Method (FRAM) ». American Journal of Industrial and Business Management. vol. 9, nº 6. p. 1345-1375.
Remerciements : Cette recherche a été financée par la Fondation Arbour (Montréal, QC), le Conseil des recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et l’École de technologie supérieure (ÉTS).

Hussein Slim
Hussein Slim est titulaire d’un doctorat de l’ÉTS, diplômé en génie électrique de l’Université de Wuppertal et superviseur du génie des systèmes électriques et chef technique chez Open Systems International.
Programme : Génie technologies de la santé
Laboratoires de recherche : Laboratoire de génie des facteurs humains appliqué

Sylvie Nadeau
Sylvie Nadeau est professeure titulaire et directrice du programme de maîtrise en génie des risques de santé et sécurité au travail. Elle dirige également le Laboratoire de génie des facteurs humains appliqué
Programme : Génie mécanique
Laboratoires de recherche : Laboratoire de génie des facteurs humains appliqué
Laboratoires de recherche :
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