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Approche atomistique de la transformation de l’acier - Par : Kanwal Chadha, Mohammad Jahazi,

Approche atomistique de la transformation de l’acier


Kanwal Chadha
Kanwal Chadha est stagiaire postdoctoral à la Chaire de recherche ÉTS de mise en forme des alliages à haute résistance mécanique. Il a obtenu son doctorat en génie mécanique en juin 2018.
Programme : Génie mécanique 

Mohammad Jahazi
Mohammad Jahazi Profil de l'auteur(e)
Mohammad Jahazi est professeur au Département de génie mécanique à l’ÉTS. Ses recherches portent sur les interactions entre les procédés de fabrication, la microstructure des matériaux et les propriétés mécaniques.
Programme : Génie mécanique 

Pièce de métal forgée

L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.

RÉSUMÉ:

Cette étude porte sur la transformation dynamique (TD) à haute température de l’austénite en phase ferritique dans un acier faiblement allié à teneur moyenne en carbone. L’étude comprenait des tests de compression à chaud suivis d’examens microstructuraux par microscopie électronique. Le calcul mathématique des données indiquait que les atomes de Cr augmentaient la force motrice de la transformation de l’austénite en ferrite. Par contre, si on tient compte de l’influence des contraintes et des analyses thermodynamiques, le Cr augmente l’énergie d’activation et apparaît donc comme nuisant à la transformation. Une analyse atomique approfondie, basée sur les théories des mécanismes de diffusion interstitielle et lacunaire, quantifie l’incidence de la contrainte appliquée sur la diffusivité du Cr, laquelle est comparée à la diffusivité des autres éléments principalement utilisés pour les alliages comme le C, le Si et le Mn, ainsi que son incidence, positive ou négative, sur l’énergie d’activation de la TD. Enfin, une comparaison a été faite afin de déterminer les effets différentiels de la température et des contraintes sur l’amorce de la TD dans les aciers faiblement alliés à teneur moyenne en carbone.

Introduction

Les composants de grande taille comme les trains d’atterrissage, les aubes et les arbres de turbine sont généralement fabriqués en acier à haute résistance selon un procédé de formage appelé coulée en lingotière, suivi du forgeage pour donner la forme finale à la pièce. Ces procédés sont généralement effectués à des températures élevées (jusqu’à 1100°C pour l’acier), mais toujours bien en dessous des températures de fusion. À ces températures, divers mécanismes se produisent, transformant complètement la microstructure et modifiant par le fait les propriétés mécaniques du produit final.

À différentes températures, l’acier se présente sous différentes phases comme l’austénite (haute température), la ferrite/bainite (température intermédiaire) et la martensite (basse température). La transformation de l’austénite en ferrite à haute température sous déformation se nomme transformation dynamique et affecte les propriétés mécaniques lors des procédés industriels [1]. Cette transformation est fortement influencée par de nombreux paramètres, notamment la concentration d’éléments d’alliage dans les aciers. L’étude au niveau atomistique des variations des éléments d’alliage et de leur influence sur la transformation dynamique est l’objectif principal de la présente recherche.

Point de mire sur les atomes

Les processus de déformation comme les essais de compression ou de traction impliquent la migration d’éléments atomiques d’alliage, ce qui affecte considérablement le comportement mécanique d’un matériau. Ces mouvements atomistiques se produisent par diffusion et sont largement influencés par des paramètres comme le taux de déformation, la température, la contrainte, etc. Les mécanismes de diffusion sont de deux types : interstitiel et lacunaire. La diffusion interstitielle se produit lorsque des atomes de substitution ou interstitiels migrent vers un autre endroit du réseau, par ex. les atomes de Fe dans les alliages de Fe, tandis que la diffusion lacunaire se produit lorsque les atomes migrent en dislocation coin, par exemple. les atomes interstitiels comme le carbone (C) dans les alliages de Fe [2]. On sait que les atomes interstitiels et les solutés se déplacent beaucoup plus rapidement par diffusion lacunaire que par diffusion interstitielle puisque la diffusion interstitielle nécessite une énergie d’activation plus élevée [3]. Le processus de transformation dynamique a d’abord été décrit comme une transformation n’ayant pas recours à la diffusion, car la diffusion interstitielle était considérée comme le mécanisme dominant. Par conséquent, une étude sur la diffusion lacunaire permettrait de mieux comprendre les mécanismes de transformation dynamique.

Figure 1 Image EBSD de joint de grains d’un acier faiblement allié à teneur moyenne en carbone, déformé à 1200 °C et à une vitesse de déformation de 0,25 s-1[4]

Étude microstructurelle de l’acier à faible teneur en carbone

Pour cette étude, un acier à teneur moyenne en carbone a été déformé à chaud à l’aide du simulateur thermomécanique Gleeble®, puis analysé au microscope électronique à balayage SU8230 et par technique de diffraction d’électrons rétrodiffusés (EBSD). Les données de divers paramètres de déformation ont été prises en compte dans l’étude de diffusion (diffusion lacunaire) et comparées aux microstructures obtenues (Fig. 1). L’étude de la microstructure a montré que l’augmentation de la vitesse de déformation et la diminution de la température ont pour effet de réduire la portion de ferrite transformée de manière dynamique. La taille du grain de ferrite diminue avec l’augmentation de la vitesse de déformation. Les équations de diffusion lacunaire [4] ont révélé que la diffusivité des atomes interstitiels (C) et des atomes de substitution (Si, Mn et Cr) augmente avec la vitesse de déformation, mais que tandis que la distance de diffusion des atomes interstitiels augmente, celle des atomes de substitution diminue de façon importante. Une très bonne corrélation a été obtenue entre les résultats granulométriques de ferrite transformée de façon dynamique et les résultats de la diffusion lacunaire, ce qui a servi à concevoir une nouvelle méthode de transformation des aciers selon l’approche atomistique.

Lors de déformations à chaud à 1200 °C et à 1150 °C, la matrice de l’austénite (Fig. 2a), composée d’éléments d’alliage interstitiels (C) et de substitution (Si, Cr et Mn), est déformée par l’action d’une contrainte. Lorsque la contrainte augmente, des éléments atomiques d’alliage comme le C (atome interstitiel) et le Si (atomes de substitution) commencent à se diffuser dans la matrice de l’austénite, facilitant ainsi la transformation (figure 2 b). Cependant, des éléments comme le Cr et le Mn (atomes de substitution), qui ont une diffusivité relativement plus faible, restent dans la matrice de l’austénite et la renforcent. Après l’accommodation au cisaillement et la dilatation, la matrice austénitique est convertie en ferrite de Widmanstätten (figure 2d) [1]. La nucléation de la ferrite de Widmanstätten commence à partir du joint de grains de l’austénite antérieure (PAGB) (figure 2e). La ferrite de Widmanstätten commence à se développer sous les effets de la contrainte, de la vitesse de déformation et de la diffusion correspondante du carbone [4]. À faibles vitesses de déformation, la distance de diffusion de C est inférieure à la taille du grain, ce qui entraîne la formation de ferrite quasi polygonale (QPF) (figure 2f). Cependant, à vitesses de déformation élevées, la distance de diffusion du carbone est plus grande et conduit à la formation de ferrite de Widmanstätten à longues lamelles (Fig. 2g).

Figure 2 Schéma du phénomène de transformation dynamique [5]

Information supplémentaire

 Pour plus d’informations sur cette recherche, veuillez lire l’article suivant: Chadha, K; Ahmed, Z.; Aranas, C.Jr.; Shahriari, D.; Jahazi, M. 2018. « Influence of stain rate on dynamic transformation of austenite in as as-cast medium-carbon low-alloy steel ». Materialia, 1: p. 155-167.

 

Kanwal Chadha

Profil de l'auteur(e)

Kanwal Chadha est stagiaire postdoctoral à la Chaire de recherche ÉTS de mise en forme des alliages à haute résistance mécanique. Il a obtenu son doctorat en génie mécanique en juin 2018.

Programme : Génie mécanique 

Chaire de recherche : Chaire de recherche industrielle en technologies de mise en forme des alliages à haute résistance mécanique 

Profil de l'auteur(e)

Mohammad Jahazi

Profil de l'auteur(e)

Mohammad Jahazi est professeur au Département de génie mécanique à l’ÉTS. Ses recherches portent sur les interactions entre les procédés de fabrication, la microstructure des matériaux et les propriétés mécaniques.

Programme : Génie mécanique 

Chaire de recherche : Chaire de recherche industrielle en technologies de mise en forme des alliages à haute résistance mécanique 

Laboratoires de recherche : LIPPS – Laboratoire d'ingénierie des produits, procédés et systèmes  LOPFA – Laboratoire d’optimisation des procédés de fabrication en aéronautique 

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